Albums – Alix 36 : Le Serment du gladiateur

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Des chroniques sur les bandes dessinées en lien avec l'Antiquité sous la plume de Julie Gallego, agrégée de grammaire et maître de conférences de latin à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Image : Couverture d'Alix 36 – Le Serment du gladiateur

Alix 36 – Le Serment du gladiateur
de Marc Jailloux et Mathieu Bréda

(Casterman, novembre 2017).
D’après la série créée par Jacques Martin.

Depuis l’album La Dernière Conquête en 2013, Marc Jailloux a repris les rênes de la série Alix (Casterman), après un album réussi d’Orion (Les Oracles, 2011). Cet album sorti en novembre 2011, Le Serment du gladiateur, confirme les espoirs que l’on pouvait avoir à la lecture du précédent que le duo Jailloux-Bréda a assuré (Par-delà le Styx, 2015), une autre aventure du duo Venanzi-Valmour ayant été intercalée en 2016 (L’Or de Saturne).

Dans cet album, dont la couverture reprend l’un des codes les plus fréquents chez Martin (Alix présenté en grand danger), on retrouve avec plaisir une qualité graphique, dans les dessins de Marc Jailloux, qui ne peut que ravir tout amateur de la série historique (à tous les sens du terme) qui fête cette année ces 70 ans et qui continue malgré le décès de son créateur, Jacques Martin, en 2010.

Dans la lignée du précédent album de Jailloux et Bréda qui s’inscrivait dans les traces du Dernier Spartiate (1967) en faisant revenir Héraklion, Le Serment du gladiateur repose à nouveau sur la mémoire de la série originelle et sur celle du lecteur, en prenant place à Pompéi, le lieu où s’accomplissait la terrible vengeance de La Griffe noire (1959). Alix y retrouve en effet Tullia, la veuve de son cousin Pétrone, qui pense à se remarier avec un homme politique important et veuf, en course pour le poste de duumuir, donc l’« un des principaux magistrats dirigeant Pompéi », comme l’indique au lecteur – qui ne serait pas familier de ce terme technique – la note de la p. 4. Tullia précise alors que ce Lucius Holconius, pour gagner des voix, a choisi de fournir au peuple les circenses à défaut du panem : des combats de gladiateurs ou munera (un nom commun qui passe alors de son sens général de « don » à celui de « spectacle public, le plus souvent de gladiateurs »). C’est ainsi que l’intrigue générale est amenée. Sans temps mort, elle est suivie quelques cases plus loin de la présentation d’un personnage secondaire au cœur des relations entre tous les protagonistes de cette histoire, un homme étrange qui défile dans la rue sous les acclamations et qu’Enak, le compagnon d’Alix, observe avec curiosité, depuis un balcon. C’est le gladiateur ambidextre Acteus, surnommé « Lame-Serpent », un auctoratus qui attire les foules sur son passage, en raison de ses nombreuses victoires et « des pouvoirs étranges » (p. 4) attribués à ce Marse dont la tribu est située en Italie centrale, dans la zone retirée des Apennins.

Les Serment du gladiateur est une aventure qui entraîne Alix des bas-fonds des nécropoles pompéiennes à l’arène d’un amphithéâtre au sable maculé de sang, pour venir en aide, par la parole, l’argent et le glaive, à ce nouvel ami qui a été contraint de « prêter le serment des gladiateurs… Serment terrible que celui de supporter le feu, les chaînes, les coups et la mort par le fer. » (p. 14).

Signalons à ce propos que la sortie de cette aventure d’Alix s’est accompagnée de celle de l’album Les Gladiateurs, appartenant à la série parallèle des Voyages d’Alix, dessiné cette fois par Marco Venanzi, avec des textes de l’un des spécialistes français de la gladiature, Éric Teyssier. Le thème commun donne une plus grande visibilité et cohérence aux deux titres, qui se complètent de manière heureuse, puisque le second, à visée documentaire, permet d’apprécier les fondements historiques sur lesquels s’appuie l’histoire fictionnelle du premier. Nous reviendrons plus précisément sur cet album didactique dans la prochaine chronique.

 

Dans cet album Le Serment du gladiateur, vous apprendrez qu’un auctoratus était un gladiateur engagé par contrat ; le mot repose sur le verbe auctorare, traduit dans le Gaffiot par « se louer, s’engager comme gladiateur », avec des exemples de Sénèque et d’Horace (et c’est aussi le titre du deuxième tome de la série Arelate d’Alain Genot et Laurent Sieurac). Pour Acteus, le seul espoir de rompre ce contrat serait d’obtenir la rudis, une baguette de bois le libérant symboliquement de son statut de gladiateur. Y parviendra-t-il grâce à Alix ou bien la dangereuse Dipsas, prêtresse de la déesse-serpent, accomplira-t-elle envers lui la terrible vengeance dont elle ourdit l’acte final depuis plusieurs années ?

Vous découvrirez aussi (p. 40-41, lorsqu’Acteus en fait le récit à Alix) le point de vue des Marses lors de la « Guerre Sociale » de 91-88 av. J.-C., durant laquelle les « alliés » (socii) italiens de Rome, qui bénéficiaient déjà du ius commercii et du ius conubii, ont affronté la Louve pour obtenir le droit d’être reconnus citoyens romains (ius ciuitatis). Ce qui sera fait par le biais des lois Julia et Plautia Papiria (90-89 av. J.-C.)... mais après des milliers de morts.

Julie Gallego

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