Pline l'Ancien, Histoire naturelle, II, 9, 1-3, texte établi, traduit et commenté par J. Beaujeu, CUF, 2003 (1951)
Le premier Romain qui exposa publiquement la théorie des éclipses du soleil et de la lune est Sulpicius Gallus, qui fut consul avec Marcellus, mais qui alors était tribun militaire. La veille du jour où Persée fut défait par Paul-Émile il parut par ordre du général, afin de prévenir les alarmes de l'armée, devant les troupes assemblées pour annoncer l'éclipse qui allait survenir; peu de temps après, il composa un livre sur ce sujet. Le premier qui s'en occupa chez les Grecs fut Thalès de Milet, dans la quatrième année de la quarante-huitième olympiade (an 585 av. J. C), l'an 170 de la fondation de Rome, et prédit une éclipse de lune qui arriva sous le roi Alyatte.
Après eux, Hipparque dressa pour six cents ans la table du cours du soleil et de la lune, déterminant les mois des divers calendriers, les jours, les heures, les localités et les aspects, suivant les entrées. Le cours des ans ne lui a donné aucun démenti, et il semble avoir été admis aux conseils de la nature. Génies puissants et élevés au-dessus de l'humanité, ils ont découvert la loi qui régit ces grandes divinités, et ils ont délivré de ses craintes l'esprit misérable des hommes, qui dans les éclipses, tantôt croyaient voir une influence malfaisante ou une espèce de mort des astres, crainte qui, comme on sait, a, pour l'éclipse du soleil, troublé Stésichore et Pindare, poètes sublimes, et tantôt attribuaient l'obscurcissement de la lune à des maléfices, et lui venaient en aide par un bruit dissonant.
Redoutant ce phénomène, dont il ignorait la cause, Nicias, général des Athéniens, n'osa pas faire sortir la flotte du port de Syracuse, et ruina la puissance de sa patrie. Redoublez de génie, interprètes du ciel, vous dont l'intelligence, embrassant la nature, a inventé des théories qui ont créé un lien entre les dieux et les hommes : A la vue de ce spectacle, à la vue des labeurs (puisque c'est le nom qu'on a voulu donner aux éclipses), des labeurs réguliers auxquels les astres sont soumis, quel mortel ne pardonnerait à la nécessité sous laquelle il est né ?
Géminos, Introduction aux phénomènes, texte établi et traduit par G. Aujac, CUF, 1975
Les éclipses de Lune sont provoquées par le passage de la Lune dans l'ombre projetée par la Terre. De même que tous les corps éclairés par le Soleil projettent des ombres, de même la Terre, éclairée par le Soleil, projette une ombre. De plus la dimension de la Terre fait que l'ombre est nette et épaisse. Quand donc la Lune est diamétralement opposée au Soleil, l'ombre projetée par la Terre est également diamétralement opposée au Soleil, ce qui fait que la Lune, qui circule à une distance de la Terre inférieure à celle qu'atteinte l'ombre, passe logiquement dans l'ombre projetée par la terre. À chaque fois, la partie de la Lune qui tombe dans l'ombre de la Terre est privée de la lumière du Soleil, du fait de l'interposition de la Terre : à ce moment-là en effet se trouvent en alignement le Soleil, la Terre, l'ombre de la Terre, et la Lune. C'est ce qui explique que les éclipses de Lune n'aient lieu que le jour de la pleine Lune, car alors la Lune est diamétralement opposée au Soleil.
Sénèque, Questions naturelles, I, 12, 1, texte établi et traduit par P. Oltramare, CUF, 2003 (1929)
Pour observer une éclipse de soleil, on pose à terre des bassins remplis d'huile ou de poix, parce qu'un liquide onctueux se trouble moins facilement et retient mieux les images qu'il reçoit. Or, une image ne peut se laisser voir que dans un liquide immobile. Alors nous remarquons comment la lune s'interpose entre nous et le soleil ; comment ce globe, bien plus petit que le soleil, venant à lui faire face, le cache tantôt partiellement, s'il ne lui oppose qu'un côté de son disque, et parfois en totalité. On appelle éclipse totale celle qui fait paraître les étoiles en interceptant le jour ; elle a lieu quand le centre des deux astres se trouve pour nous sur le même axe. Comme l'image de ces grands corps s'aperçoit sur la terre, elle peut de même s'apercevoir dans l'air, quand il est assez dense, assez transparent pour recevoir l'image solaire que les autres nuages reçoivent aussi, mais laissent échapper s'ils sont trop mobiles, ou trop raréfiés, ou trop noirs : mobiles, ils dispersent les traits de l'image ; raréfiés, ils la laissent passer ; chargés de vapeurs impures et grossières, ils ne reçoivent pas son empreinte, comme nous voyons que les miroirs ternis ne renvoient plus les objets.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, II, 30, 5, texte établi et traduit par B. Eck, CUF, 2003
L'apparition des comètes, les éclipses de soleil et de lune, les tremblements de terre, enfin les changements qui surviennent dans l'atmosphère, sont autant de signes de bonheur ou de malheur pour les pays et les nations aussi bien que pour les rois et les particuliers.
Plutarque, Vie de Pélopidas, XXXI, 2-6, texte établi et traduit par R. Flacelière et E. Chambry, CUF, 2003 (1967)
Alexandre de Phères dévastait plusieurs villes de Thessalie et avait imposé une garnison à tous les Achéens Phtiotes et au peuple des Magnètes. Aussi, lorsque les villes apprirent que Pélopidas était de retour, elles députèrent aussitôt à Thèbes une ambassade pour demander l'envoi d'une armée avec lui-même comme général. Les Thébains votèrent ces mesures avec empressement ; les préparatifs furent rapidement terminés et le général allait partir lorsque se produisit une éclipse de soleil qui, en plein jour, plongea la ville dans l'obscurité. Pélopidas, voyant toute la population troublée par ce phénomène, ne crut pas devoir contraindre des gens apeurés et sans espoir, ni risquer la vie de sept mille citoyens, mais il se sacrifia lui-même pour les Thessaliens et, prenant avec lui trois cents cavaliers volontaires et des mercenaires, il se mit en campagne, malgré l'opposition des devins et le manque d'enthousiasme des autres citoyens ; car l'éclipse paraissait être un grand signe du ciel qui annonçait le malheur à un homme illustre. Échauffé contre Alexandre par le ressentiment des injures qu'il avait subies, il espérait en outre qu'il trouverait sa maison déjà malade et proche de la ruine à la suite des entretiens qu'il avait eus avec Thébé. Mais ce qui l'animait le plus, c'était la beauté de l'exploit à accomplir, c'étaient le désir et l'ambition généreuse, au moment où les Lacédémoniens envoyaient à Denys, le tyran de Sicile, des généraux et des gouverneurs et où les Athéniens étaient à la solde d'Alexandre et lui élevaient une statue de bronze comme à un bienfaiteur, de montrer aux Grecs que les Thébains seuls combattaient pour les victimes de la tyrannie et pour mettre fin en Grèce aux dominations illégales et violentes.