Da Capo - Iphigénie sacrifie le sacrifice

Texte :

L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.

            Iphigénie devait être sacrifiée par son père Agamemnon pour que le vent mène les navires Grecs loin de Troie. On raconte que Diane l'a remplacée par une biche in extremis, et portée jusqu'aux rivages de Tauride où elle devint prêtresse.

            En exil, son passé la hante jusque dans ses cauchemars... et le lendemain d'une nuit d'orage, on apporte deux naufragés Grecs, que le roi Thoas décide de lui faire sacrifier, pour calmer les dieux et sa paranoïa tyrannique. Mais devant Oreste et Pylade, Iphigénie pressent qu'elle ne pourra accomplir le rite dont elle a réchappé.

            La mise en scène est alors dédoublée. Derrière une haute paroi de verre, des acteurs miment les crimes des Atrides, qu'Iphigénie ignore encore. Mais en découvrant qu'elle est sa sœur, Oreste avoue – dos au mur – qu'il a tué leur mère Clytemnestre, elle-même la meurtrière d'Agamemnon... Le tabou et le remords pesaient déjà sur son chant. Il réclame sa propre mort. Mais Iphigénie choisit d'arrêter le cycle du sang, et tout l'opéra résonne de l'émotion qui résiste au sacrifice.

J.T.

Christoph Willibald Gluck, Iphigénie en Tauride (1779), mise en scène de Krzysztof Warlikowski, crée à l'Opera de Paris en 2006, repris en décembre 2016. Dirigé par Bertrand de Billy, avec Véronique Gens (Iphigénie), Étienne Dupuis (Oreste) et Stanislas de Barbeyrac (Pylade). Une version audio de l'opéra avec la grande Régine Crespin en Iphigénie.

–    Euripide, Iphigénie en Tauride, Traduit et commenté par Christine AMIECH, Luc AMIECH, Texte établi par Henri GRÉGOIRE, Léon PARMENTIER, Belles Lettres, Mai 2017.

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