Pour illustrer par le texte notre nouveau poster des dieux de l'Olympe, La Vie des Classiques vous offre quelques extraits du Panthéon en poche édité par Laure de Chantal.
L’Olympe est le lieu où les dieux se réunissent : ils lui doivent leur nom d’Olympiens. Cependant cette zone n’est guère définie : s’agit-il de la montagne, le mont Olympe, située au nord-est de la Grèce, en Thessalie ? Le domaine semble au-dessus de toutes les montagnes, sorte de hauteur surplombant le monde et d’où les dieux, en particulier Zeus, peuvent observer à loisir les humains. Par comparaison aux mondes marins et souterrains, les descriptions de L’Olympe sont peu nombreuses. Elles interviennent à l’occasion des grandes cérémonies, les conseils, les banquets, les assemblées ou les mariages, où Zeus réunit les siens.
Homère, Iliade, I, 529-569 :
Une Assemblée houleuse
Scène typique de la littérature ancienne, l’assemblée des dieux apparaît pour la première fois au tout début de l’Iliade. Zeus vient d’accorder à Thétis de protéger son fils. Les autres dieux, Héra en tête, ne l’entendent pas de la même manière : reproches, cris, la réunion n’a de solennelle et montre que l’épopée homérique ne manque ni d’humour ni de légèreté.
Les cheveux divins du Seigneur voltigent un instant sur son front éternel, et le vaste Olympe en frémit.
S’étant concertés, ils[1] se quittent. Elle, du haut de l’Olympe éclatant, saute dans la mer profonde ; Zeus s’en va vers sa demeure. Tous les dieux de leurs sièges se lèvent ensemble, afin d’aller au-devant de leur père : aucun n’ose attendre sa venue sur place : il les trouve tous debout devant lui. Sur son trône il s’assied ; mais Héré ne s’y méprend pas : elle voit le plan qu’avec lui a comploté Thétis aux pieds d’argent, la fille du Vieux de la mer ; et, aussitôt, à Zeus, fils de Cronos, elle adresse ces mots mordants :
« Avec quel dieu encore viens-tu de comploter, perfide ? Tu te plais toujours, loin de moi, à décider d’un cœur secret ; et jamais encore tu n’as daigné me dire de toi-même à quoi tu songeais. »
Le Père des dieux et des hommes lors lui répond ainsi :
« Héré, n’espère pas connaître tous mes desseins. Même toi, mon épouse, tu auras fort à faire pour y parvenir. S’il en est qu’il sied que tu saches, nul dieu, nul homme ne les connaîtra avant toi. Sur ceux, en revanche, à qui je yeux songer à l’écart des dieux, ne fais jamais de question ni d’enquête. »
L’auguste Héré aux grands yeux lui répond :
« Terrible Cronide, quels mots as-tu dits là ? Certes, jusqu’à ce jour, tu n’as de moi subi ni question ni enquête, et je te laisse en paix méditer tout ce qu’il te plaît. Mais aujourd’hui j’ai terriblement peur dans le fond de mon âme que la fille du Vieux de la mer, Thétis aux pieds d’argent, ne t’ait su séduire. Elle est venue, à l’aube, s’accroupir à tes pieds ; elle a pris tes genoux, et j’imagine que, d’un signe de tête, tu lui auras donné l’infaillible promesse d’honorer Achille et d’immoler près de leurs nefs les Achéens par milliers. »
L’assembleur de nuées, Zeus, ainsi lui réplique :
« Ah ! pauvre folle, toujours prête à imaginer ! De moi rien ne t’échappe. Mais tu auras beau faire : tu n’obtiendras rien, si ce n’est d’être de plus en plus loin de mon cœur, et il t’en coûtera plus cher. S’il en est comme tu le dis, c’est sans doute que tel est mon bon plaisir. Assieds-toi donc en silence, et obéis à ma voix. Tous les dieux de l’Olympe ne te serviront guère, si je m’approche et si sur toi j’étends mes mains redoutables. »
Il dit, et l’auguste Héré aux grands yeux prend peur et s’assied, muette, faisant violence à son cœur.
Homère, Iliade, I, 596-611 :
Le Banquet des dieux
Cette scène de ménage est apaisée par l’intervention d’Héphaïstos et se clôt par les rires et les chansons d’un banquet.
Il[2] dit et fait sourire Héré, la déesse aux bras blancs ; et, souriante, elle reçoit la coupe que lui offre son fils. Lui, cependant, à tous les autres dieux, va sur sa droite versant le doux nectar, qu’il puise dans le cratère. Et, brusquement, un rire inextinguible jaillit parmi les Bienheureux, à la vue d’Héphæstos s’affairant par la salle !
Ainsi donc, toute la journée et jusqu’au coucher du soleil, ils demeurent au festin ; et leur cœur n’a pas à se plaindre du repas où tous ont leur part, ni de la cithare superbe, que tiennent les mains d’Apollon, ni des Muses, dont les belles voix résonnent en chants alternés.
Et, quand enfin est couché le brillant éclat du soleil, désireux de dormir, chacun rentre chez soi, au logis que lui a construit l’illustre Boiteux, Héphæstos aux savants pensers. Et Zeus Olympien qui lance l’éclair prend le chemin du lit où sa coutume est de dormir, à l’heure où vient le doux sommeil. Il y monte et il y repose, ayant à ses côtés Héré au trône d’or.
Stace, Thébaïde, I, 197-223 :
Le Conseil des dieux
Paradoxalement, c’est beaucoup plus tard qu’il faut chercher des descriptions solennelles de l’Olympe. Voici celle que propose le poète latin Stace (45-c.96) au début de la Thébaïde, sans doute inspiré par la cour de l’empereur Domitien.
Mais au-dessus des demeures de la sphère mouvante du ciel, à l’invitation de Jupiter, la Haute Assemblée des dieux s’était réunie pour tenir conseil au cœur même de la voûte céleste. À cette distance, toutes choses se côtoient : les régions du Levant et celles du Couchant, les terres et les flots entièrement inondés par la lumière du ciel. Sa Majesté, immense, s’avance au milieu d’eux, ébranle l’univers tout en gardant un visage serein et se place sur un trône semé d’étoiles. Mais les habitants du ciel n’osèrent pas s’asseoir aussitôt, attendant que leur père en eût donné la permission, d’un geste calme de la main. Bientôt une foule errante de demi-dieux, les Eaux, sœurs des nuées célestes, et les Vents gardant leurs murmures étouffés sous la peur, remplissent les salles dorées. La voûte du ciel tremble à la venue de ces dieux pleins de majesté, les hauteurs rayonnent d’un éclat plus pur et les portes resplendissent d’une lumière mystérieuse. Jupiter demanda le silence et l’univers saisi d’effroi se tut ; puis, du haut de son trône, il commence à parler – ses paroles sacrées ont un retentissement énorme, un poids immuable et les destins attendent ce qu’il va dire – : « Les fautes commises sur terre et les mortels dont l’esprit ne se rassasie pas des Furies, voilà le sujet de mes plaintes. Jusqu’à quand vais-je m’employer à châtier des coupables ? Je suis las de brandir ma foudre pour sévir ; depuis longtemps déjà les bras laborieux des Cyclopes se fatiguent et les feux manquent aux enclumes éoliennes. Pourtant j’avais laissé échapper des mains d’un faux aurige les chevaux du Soleil, j’avais laissé brûler le ciel par ses roues égarées et souiller le monde entier des cendres chaudes de Phaéton. Mais rien n’y a fait, pas même le coup de ton puissant trident, mon frère, qui permit à la mer de s’étendre au loin sur des terres défendues.