Anthologie guerrière : Artémise, reine en guerre

19 mars 2021
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Lors de la bataille de Salamine, parmi tous les valeureux combattants, une femme se fait remarquer. Hérodote nous dresse son portrait.

Des autres officiers je ne fais pas mention, ne m’y sentant pas obligé, mais je fais une exception pour Artémise que j’admire fort d’avoir pris part à l’expédition contre la Grèce, bien qu’étant une femme. Elle qui, alors qu’après la mort de son mari, elle exerçait elle-même la tyrannie et qu’elle avait un fils en bas âge, obéissant à son courage et à sa virile audace, faisait campagne sans y être aucunement obligée. Elle avait nom Artémise, était fille de Lygdamis, de race halicarnassienne par son père, crétoise par sa mère. Elle régnait sur Halicarnasse, Cos, Nisyros et Calymnos et fournissait cinq vaisseaux. De toute la flotte, ses navires étaient, après ceux des Sidoniens, les plus réputés. Et de tous ceux qui prirent part à l’expédition, celle qui donne au Roi les meilleurs avis.

Hérodote, Histoires, 7, 99


Voici un incident concernant Artémise, d’où elle retira d’être auprès du Roi en un plus grand renom encore qu’auparavant. A un moment où les affaires du Roi étaient gravement compromises, à ce moment le vaisseau d’Artémise était poursuivi par un vaisseau athénien, et elle ne pouvait échapper à sa poursuite, car il y avait devant elle d’autres vaisseaux amis et le sien était le plus proche des ennemis ; elle prit donc ce parti, – et il lui réussit de l’avoir pris : poursuivie par le vaisseau athénien, elle fonça sur un vaisseau ami monté par des gens de Calynda et qui portait le roi même des Calyndiens, Damasithymos. Si elle avait eu quelque différend avec lui pendant qu’ils étaient encore du côté de l’Hellespont, je ne peux pas, quant à moi, l’affirmer ; pas non plus si elle agit avec préméditation ou si ce fut par hasard que le vaisseau calyndien se trouva sur sa route ; mais, en fonçant dessus et le coulant, elle tira de cet heureux coup un double avantage pour elle-même ; car le triérarque du vaisseau athénien, quand il la vit foncer sur un vaisseau barbare, pensa que le vaisseau d’Artémise était un vaisseau grec ou bien qu’il désertait le parti des Barbares et venait au secours des Grecs ; il s’en détourna et porta son attaque contre d’autres vaisseaux. Ce fut pour elle un premier avantage, d’échapper à cette poursuite et de ne point périr ; un second fut que le mal qu’elle avait fait lui valut de jouir auprès de Xerxès de la plus haute estime. On raconte en effet que le Roi, qui regardait la bataille, remarqua son vaisseau en train d’en éperonner un autre, et qu’un de ceux qu’il avait près de lui aurait dit :

– Tu vois, Maître, comme Artémise se bat vaillamment, comme elle a coulé un vaisseau ennemi.

Xerxès aurait demandé si vraiment Artémise était l’auteur de cet exploit ; et ils l’auraient affirmé, connaissant de façon certaine l’emblème de son vaisseau et convaincus que le vaisseau détruit était un vaisseau ennemi. Aux autres chances qu’elle eut, comme je viens de le dire, s’ajouta encore celle-ci : que, du vaisseau calyndien, personne ne réchappa pour l’accuser. A ce qu’on lui disait, Xerxès, raconte-t-on, aurait répondu :

– Les hommes à mon service sont devenus des femmes ; et les femmes, des hommes.

Hérodote, Histoires, 8, 87-88