Chroniques anachroniques - Qué calor !

Texte :

À un moment où l’information fuse de toutes parts, il nous a paru intéressant de l’ancrer dans des textes très anciens, afin que l’actualité et l’histoire se miroitent et s’éclairent dans un regard tantôt ou tout ensemble stimulant et amusé, songeur ou inquiet.

Ce début d’été a immédiatement signalé son commencement par un épisode de chaleur caniculaire sur tout notre pays (à part l’irréductible village breton !). La touffeur est si insupportable que  nous cherchons toutes la parades pour se terrer au frais et nous ne savons plus à quel saint nous vouer. Nous évoquons aisément le réchauffement climatique, les Anciens invoquaient un mythe, celui de Phaéton.

πολλοὶ γὰρ τῶν τε ποιητῶν καὶ τῶν συγγραφέων φασὶ Φαέθοντα τὸν Ἡλίου μὲν υἱόν, παῖδα δὲ τὴν ἡλικίαν ὄντα, πεῖσαι τὸν πατέρα μίαν ἡμέραν παραχωρῆσαι τοῦ τεθρίππου: συγχωρηθέντος δ᾽ αὐτῷ τούτου, τὸν μὲν Φαέθοντα ἐλαύνοντα τὸ τέθριππον μὴ δύνασθαι κρατεῖν τῶν ἡνιῶν, τοὺς δ᾽ ἵππους καταφρονήσαντας τοῦ παιδὸς ἐξενεχθῆναι τοῦ συνήθους δρόμου, καὶ τὸ μὲν πρῶτον κατὰ τὸν οὐρανὸν πλανωμένους ἐκπυρῶσαι τοῦτον καὶ ποιῆσαι τὸν νῦν γαλαξίαν καλούμενον κύκλον, μετὰ δὲ ταῦτα πολλὴν τῆς οἰκουμένης ἐπιφλέξαντας οὐκ ὀλίγην κατακάειν χώραν. διὸ καὶ τοῦ Διὸς ἀγανακτήσαντος ἐπὶ τοῖς γεγενημένοις, κεραυνῶσαι μὲν τὸν Φαέθοντα, ἀποκαταστῆσαι δὲ τὸν ἥλιον ἐπὶ τὴν συνήθη πορείαν. τοῦ δὲ Φαέθοντος πεσόντος πρὸς τὰς ἐκβολὰς τοῦ νῦν καλουμένου Πάδου ποταμοῦ, τὸ δὲ παλαιὸν Ἠριδανοῦ προσαγορευομένου, θρηνῆσαι μὲν τὰς ἀδελφὰς αὐτοῦ τὴν τελευτὴν φιλοτιμότατα, διὰ δὲ τὴν ὑπερβολὴν τῆς λύπης ὑπὸ τῆς φύσεως μετασχηματισθῆναι τὴν φύσιν, γενομένας αἰγείρους.

            Beaucoup de poètes et de prosateurs disent en effet que Phaéton, fils de Soleil, et qui était encore enfant, convainquit son père de lui céder pour un jour son quadrige ; il y consentit et Phaéton qui conduisait le quadrige ne peut maîtriser les rênes, les chevaux, faisant peu de cas de l’enfant, s’écartèrent de leur route habituelle ; d’abord, errant dans le ciel, ils l’enflammèrent et produisirent le cercle qu’on appelle aujourd’hui la Voie Lactée, puis, embrasant une vaste partie du monde habité, ils consumèrent une région de dimension non négligeable. Aussi Zeus fut-il furieux de ces événements ; il foudroya Phaéton et remit le Soleil dans son chemin habituel. Phaéton tomba près des bouches du fleuve appelé aujourd’hui Pô et dénommé depuis l’Antiquité Éridan, ses sœurs chantèrent des thrènes pleins de passion sur sa mort, et l’extrême chagrin les fit changer de nature ; elles devinrent peupliers.

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre des îles, V, 23,2-3, Paris, Les Belles Lettres 2015, texte établi et traduit par J. Jouanna et M. Casevitz

              La planète se réchauffe-t-elle ? Le temps se détraque-t-il ?  S’il est acquis que la terre connaît un climat d’ensemble dû à sa position par rapport au soleil, les climatologues n’en ont pas moins défini des ères, et notamment subdivisé l’ère post glaciaire : après le pré-boréal (8200-6800 av. J.-C.), le boréal (6800-5500 av. J.-C.), l’atlantique (5500-2500 av. J.-C.), le sub-boréal (2500-700 av. J.-C.), nous sommes, avec les Grecs, depuis 700 av. J.-C. dans le sub-atlantique, période chaude et humide. En Occident, depuis les VI et Ve s. av. J.-C., des voyageurs, géographes, savants, comme Hérodote ou les disciples d’Hippocrate, se sont intéressés à la description des climats.  Mais faute de mesures suffisamment étendues, ils ne pouvaient guère apprécier les modifications climatiques.

              Quelle est la lecture mythique du phénomène ? Phaéton (Le brillant), en digne fils de son père Hélios le Soleil, obtint de ce dernier la permission de conduire son char. Mais, fils insensé et turbulent, il fut responsable d’une sécheresse qui brûla  la Terre (Platon, Timée) et périt lui-même par le foudre de Zeus. Il s’agit bien, au propre comme au figuré, d’une erreur de conduite, mais d’origine divine, les hommes ne s’étant pas encore prétendus maîtres de la nature !

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