Les Métamorphoses d'Ovide - Orphée et Eurydice

18 juin 2019
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La Vie des Classiques vous offre un extrait des Métamorphoses (livre X) d'Ovide : Orphée et Eurydice.

De là Hymen s’en va par les éthers immenses

Dans son voile safran au pays des Cicones,

Là où l’appelle en vain la voix d’Orphée. Il vient,

Certes, mais sans porter d’heureux épithalame,

De visage rieur ni d’auspices féconds.

Sa torche même siffle et fume et fait pleurer,

Il a beau l’agiter, nulle flamme n’en fuse.

Pire que le présage est la fin. La mariée

Qui dans l’herbe marchait escortée de naïades

Meurt, blessée au talon par la dent d’un serpent.

 Le chantre du Rhodope, après l’avoir sur terre

Dûment pleurée, osant braver même les ombres,

Par l’entrée du Ténare au Styx descend, traverse

Les fantômes légers qu’un sépulcre honora,

Et marche à Perséphone et au souverain maître

Des lugubres Enfers. Frappant sa lyre, il chante :

Ô puissances régnant sur le monde d’En-Bas

Où nous retombons tous, nous tous créés mortels,

S’il m’est permis, fuyant les détours hypocrites,

De parler vrai, je ne viens pas voir le Tartare,

Ni par sa triple gorge hérissée de serpents

Mettre une chaîne au monstre enfanté par Méduse,

Je viens chercher ma femme. Elle a marché sur une

Vipère, et son venin lui a pris sa jeunesse.

J’ai cru le supporter, j’avoue, j’ai essayé,

L’Amour vainquit. Ce dieu est bien connu sur terre,

Ici, je ne sais pas, mais j’ai lieu de le croire,

Si l’histoire d’un rapt ancien est vraie, l’Amour

Vous aussi vous unit. Par ces lieux d’épouvante,

Ce grand Chaos, ce vaste empire du silence,

Retissez, je vous prie, les destins abrégés

D’Eurydice. Un délai est bien peu, tôt ou tard

Nous nous devons à vous, courons au même endroit,

Trouverons tous ici notre ultime demeure,

Et sur le genre humain vous régnez pour jamais.

Mûrie, ayant vécu son compte, elle sera

Sous vos lois. Je demande un simple droit d’usage.

Si les destins ne veulent pas lui faire grâce,

Sûr, je ne rentre pas, jouissez de nos deux morts.

Comme il parlait, heurtant les cordes de sa lyre,

Les fantômes pleuraient, Tantale laissa fuir

L’onde, la roue d’Ixion s’arrêta, les vautours

Cessèrent de ronger les foies, les Danaïdes

D’emplir l’urne, Sisyphe à son rocher s’assit,

Et les Furies vaincues par son chant humectèrent

De leurs premiers sanglots, dit-on, leurs joues. La reine

Ni le roi des Enfers n’y peuvent résister,

Eurydice, appelée, quitte les ombres neuves,

Et revient à pas lents, gênée par sa blessure.

Pour la garder, Orphée devra ne pas tourner

Ses regards vers l’arrière avant d’être sorti

Des vallées de l’Averne, où tout est annulé.

En grand silence ils ont grimpé un raidillon

Abrupt, obscur, plongé dans un brouillard épais,

Quand l’amoureux époux, près de faire surface,

Redoutant de la perdre, impatient de la voir,

Se retourne. Aussitôt retombée en arrière,

Elle tend ses deux bras pour prendre et être prise,

Mais la maheureuse ne saisit que l’air qui se dérobe,

Et, mourant à nouveau sans un mot de reproche

(De quoi d’ailleurs, fors d’être aimée, se plaindrait-elle ?)

Dit un suprême adieu qu’il n’entend plus qu’à peine,

Puis retombe aux Enfers d’où elle était sortie.

Voici également la lecture de Michel Vuillermoz, tirée du livre audio publié récemment par Les Belles Lettres :