
Amis des Classiques, donnons ?
Les liturgies, dans l’Athènes démocratique, désignent le financement sur fonds privés de certaines fonctions publiques. La cité n’ayant pas à proprement parler de budget, les citoyens les plus riches sont mis directement à contribution pour engager directement toutes les dépenses publiques nécessaires, à des fins militaires, politiques ou religieuses. La pratique évolue (d’aucuns diront se dégrade) et devient, à la période hellénistique puis à Rome, l’évergétisme, comme l’avait si génialement expliqué Paul Veyne.
Aujourd’hui, nous voici particulièrement invités à participer à de nouvelles liturgies qui prennent le nom de financements participatifs. C’est un honneur pour le citoyen, mais ce lumineux idéal a sa part d’ombre. Les nombreux appels aux dons sont aussi la conséquence de l’abandon et du désintérêt des pouvoirs publics. L’indigence dans laquelle les institutions culturelles en général et celles réservées aux études gréco-latines en particulier sont réduites en témoigne : appels aux dons pour restaurer une œuvre d’art, pour sauver une revue, appel aux dons pour financer un voyage de classe, chauffer des locaux, voire aider des étudiants en grande précarité. La culture a un jupon plein d’trous, Alma Mater crie famine et n’a plus de quoi nourrir ses petits : est-ce à nous de la soutenir?
Il ne faut pas grand chose pourtant pour faire le bonheur d’un classique. Quelques lettres, un peu d’esprit, la compagnie de bons auteurs et leur conversation à travers les siècles suffisent pour être le plus riche du monde et le plus heureux.
Amis des Classiques, donnons, donnons du savoir sans modération !
Statue équestre de M. Nonius Balbus, évergète d'Herculanum |
Alma Mater, emblème de l'université de Cambridge |