Remedia morbis - I. Trois remèdes contre l’infidélité des femmes

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Tous les quinze jours, Nicola Zito vous invite à découvrir les remèdes médicaux les plus curieux des Anciens, entre science, magie, astrologie et superstition. Libre à vous de les expérimenter !

La Tétrabile, composée au milieu du IIe siècle de notre ère et considérée aujourd’hui encore comme la “Bible” des astrologues, représente la première somme des règles de l’astrologie traditionnelle. Son auteur, le grand savant égyptien Claude Ptolémée, astronome, physicien, mathématicien et géographe, consacre un chapitre de ce traité en quatre livres aux « maladies des âmes », autrement dit les maladies mentales (III, 15).

Celles-ci sont en fait des « altérations de l’équilibre (μεσότης) » et peuvent atteindre aussi bien la partie raisonnable de l’âme (τὸ διανοητικὸν μέρος) que sa partie passionnelle (τὸ παθητικὸν μέρος) : font partie de la première catégorie l’idiotie, la folie furieuse, l’exaltation, l’extase, la possession démoniaque, alors qu’on trouve dans la seconde toute sorte de perversions sexuelles.

Les hommes désireux de se marier devront alors faire bien attention à la date de naissance de leurs bien-aimées, car les signes féminins (Taureau, Cancer, Vierge, Scorpion, Capricorne et Poissons) et la planète Vénus, identifiée à la déesse de l’Amour, exacerbent le désir sexuel des femmes nées sous leur influence ; ces dernières seront alors d’après Ptolémée « adultères, paillardes et n’ayant pas honte de se prostituer, de quelque façon ni avec qui que ce soit. »

Mais il faudra prendre garde aussi à la date de la noce : Maxime, auteur vraisemblablement au ive siècle de notre ère d’un poème astrologique en hexamètres consacré aux Initiatives humaines (Περὶ καταρχῶν), déconseille de célébrer un mariage quand la Lune est dans le signe du Taureau (v. 82-95) car cette conjonction astrale disperse « toutes les bonnes mœurs des femmes » et que la mariée « ne saurait se contenter des étreintes d’un seul homme » ! Puisque le Taureau surgit de dos et à reculons, il faut qu’il soit responsable de pratiques sexuelles “contre nature” comme la nymphomanie…

Quoi qu’il arrive, les étourdis qui n’auraient pas suivi les prescriptions des astrologues ne doivent pas s’inquiéter car les textes anciens offrent à tout mari soucieux de la légitimité de sa descendance plusieurs remèdes pour prévenir ou contraster l’infidélité de leurs compagnes. Le problème de l’adultère est en effet crucial pour les Anciens, qui, en suivant en cela la pensée d’Aristote, n’attribuent à la femme d’autre rôle que d’être le réceptacle de la semence de l’homme : comment être assuré que l’on n’est pas marié à une de ces femmes insatiables et prêtes à tout venant, et que l’on ne va par conséquent pas engendrer des bâtards ?

Le jonc appelé leucophylle (feuilles blanches), que mentionne le traité Sur les fleuves attribué à Plutarque (ier-iie siècle de notre ère), permet de jouer d’avance : « les hommes jaloux le récoltent pour en parsemer l’entour de la chambre des jeunes filles et gardent ainsi leur union pure de tout bâtard » (5, 2).

En cas de doute quant à la conduite de son épouse, il faudra également agir dans le gynécée, mais aussi attendre la nuit, pour être délivré de toute crainte. Les Cyranides hermétiques, traité médico-magique composé après le ier siècle de notre ère, conseillent de couper la langue d’une grenouille (que l’on laissera partir vivante), d’y inscrire la formule « chouoch odamenof » et de la mettre sur la poitrine de la femme pour qu’elle avoue tous ses actes (II, 5, 57). Plus subtil est le remède que proposent les v. 316-324 du Lapidaire “orphique”, poème en hexamètres contemporain de celui de Maxime et comme lui probablement composé dans le milieu de l’Empereur Julien. Le mari inquiet devra se procurer la pierre de magnésie (μάγνης ou μαγνῆτις, une pierre bleu sombre ou noire, dure, compacte, qui attire le fer, correspondant à notre magnétite Fe3O4) et la placer sous le lit conjugal après avoir chanté un hymne magique. La femme vertueuse, quoiqu’endormie, tendra les bras vers son époux et voudra l’embrasser ; si, au contraire, « l’Aphrodite divine la tourmente de désirs impudiques, elle tombera sur le sol, allongée tête première. »

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