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Simone Bertière - Le roman d’Ulysse

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• Pourquoi consacrer un livre à Ulysse? Avant tout, pour mon plaisir ! Un jour où je me sentais morose, j’ai remis le nez dans l’Odyssée et j’en suis sortie revigorée. Réconfortée par l’histoire de ce personnage “fertile en ressources”, qui affronte les pires épreuves, mais trouve toujours une solution pour en sortir, un homme plein de défauts, mais qui a l’esprit clair et qui refuse la fatalité.
• Ulysse ? Vous en avez tous entendu parler. Mais que savez-vous de lui? Que dix ans durant, il a combattu avec les autres Grecs pour s’emparer de la ville de Troie, en Asie mineure, et qu’il a erré dix autres années en Méditerranée avant de regagner la petite île d’Ithaque dont il était roi. Son existence est un formidable roman d’aventures, qui se transforme à l’occasion – lors du voyage de retour – en un conte merveilleux. Le récit en a été fait, admirablement par Homère. Mais si on le lit sans préparation, on perd une grande partie de son sens.
• Ce livre s’adresse donc à ceux qui, n’étant pas hellénistes eux-mêmes, sont un peu perdus dans le monde qui est le sien. J’ai choisi de raconter son histoire autrement, sans altérer les principaux faits, mais en aidant à les mieux comprendre.
• J’ai choisi de confier la parole à Ulysse lui-même, ce qui implique le choix de la forme narrative : c’est un roman. Et j’ai adopté un point de vue rétrospectif : le personnage est pris au moment où la tradition l’abandonne, après son retour à Ithaque. Si l’on en croit Du Bellay, il est alors censé être «heureux», il n’a plus qu’à transmettre le pouvoir à son fils et à attendre sagement la vieillesse et la mort. Bref il prend sa retraite. Cet homme curieux de tout et incapable de tenir en place est-il vraiment heureux? Quand il se compare aux guerriers morts au champ d’honneur, il a le sentiment d’avoir raté sa vie: la postérité ne fera pas de lui un héros. En quête de celui qu’il a été, il se penche sur son passé et il le commente, avec le recul dû à l’expérience.
Il dispose d’un interlocuteur, un jeune chevrier, auprès de qui il s’épanche – un personnage fictif, celui-là – plein de bon sens et qui pose souvent les questions dérangeantes. Or chez ce garçon s’éveille au bout de quelque temps une vocation : il sera un aède, un de ces poètes qui chantent les exploits des héros guerriers. Peu à peu s’impose à eux l’idée qu’Ulysse est lui aussi un héros, en son genre : à des performances physiques honorables s’ajoute chez lui une supériorité fondamentale, celle de l’intelligence, sous toutes ses formes : désir de connaître et de comprendre, maîtrise de la parole persuasive et aptitude à l’action efficace.
Sur la paix et la guerre, sur la vie et la mort, sur les dieux et les hommes, sur le destin, sur la justice, sur l’amour affleurent donc au passage tous les grands débats fondamentaux, qui n’ont rien perdu de leur actualité.
• Refusant l’immortalité offerte, Ulysse s’est voulu homme. Aussi apparaît-il dans un cadre naturel concret. Il peut endurer de longues privations, mais il en tire un plus vif amour de la vie. Il apprécie la bonne chère, le bon vin, le confort. Il aime les femmes, qui le lui rendent bien. Il sait tout faire, de ses mains et de sa tête. On apprend avec lui comment construire une maison ou un radeau et même composer un poème épique. Et ses malheurs ne lui ont pas ôté le goût de rire.
• La langue adoptée diffère selon qu’il s’agit des récits d’Ulysse ou des conversations avec l’aède. Les récits sont d’un style plus relevé avec recherche d’un rythme. Les dialogues, plus familiers, sont écrits en langue moderne, en évitant les anachronismes flagrants.
• Le personnage d’Ulysse a inspiré depuis Dante et jusqu’à nos jours avec Joyce et Kazantzakis, nombre de très grands écrivains, qui l’ont incorporé à leur univers personnel. Pour ma part, j’ai tenté, très modestement, d’offrir au lecteur, en marge de l’Iliade et de l’Odyssée, un récit agréable lire et qui reste fidèle à l’esprit d’Homère.
Simone BERTIÈRE

Après avoir enseigné la littérature comparée, Simone Bertière s’est consacrée, via l’étude des mémorialistes, à l’histoire des mentalités.

Elle a publié une Vie du cardinal de Retz et une édition commentée de ses Mémoires, puis elle a entrepris d’évoquer en une vaste fresque la condition des reines dans la France des Temps Modernes.

Le premier volume des « Reines de France au temps des Valois », Le Beau XVIsiècle, est paru en 1994 et le second, Les Années sanglantes, en 1995. En 1996 paraît le premier volume des « Reines de France au temps des Bourbons » : Les Deux Régentes(Grand Prix d’Histoire Chateaubriand-La Vallée aux Loups). Viendront ensuite Les Femmes du Roi Soleil (1998), La Reine et la favorite (2000) et en 2002 le quatrième et dernier volume : Marie-Antoinette l’insoumise (Grand Prix de la biographie de l’Académie française, Prix des Ambassadeurs, Prix des Maisons de la Presse).

En 2004 paraît Apologie pour Clytemnestre. En 2007 Mazarin, le maître du jeu (Grand Prix de la Biographie de la revue Lire). En 2009 Dumas et les Mousquetaires. Histoire d’un chef-d’œuvre. En 2011 Condé, le héros fourvoyé. En 2013 Le Procès Fouquet et en 2016 Louis XIII et Richelieu, le Malentendu.

Editions de Fallois, 19€