Amis des Classiques, soyons élémentaires !
« Rien ne se perd, rien se créer, tout se transforme », la formule de Lavoisier, qui a bouleversé les sciences de son époque, rappellerait aux Anciens un autre français célèbre, Jacques de La Palice passé à la postérité pour ses lapallissades. En effet, non seulement la loi avait déjà été découverte par Anaxagore au Ve siècle avant J.-C. (οὐδὲν γὰρ χρῆμα γίνεται οὐδὲ ἀπόλλυται, ἀλλ’ ἀπὸ ἐόντων χρημάτων συμμίσγεταί τε καὶ διακρίνεται, fr. 17), mais elle imprègne des philosophes comme Épicure et des poètes philosophes comme Lucrèce bien sûr, mais également Hésiode avec ses hommes nés de pierre, de terre, de fer ou de frênes. Elle est surtout magnifiée par Ovide qui en a fait un best-seller millénaire, Les Métamorphoses, qui nous invite autant à rêver qu’à réfléchir : en quoi serions-nous ou voudrions-nous être recomposer nos atomes ? En oiseau pour voler ? En pierre pour une ataraxie solide ? En fleur pour toujours se renouveler ? En étoile scintillante pour servir de guide aux marins et aux âmes perdues dans la nuit ? En loup pour effrayer ? En taureau blanc ou en cygne pour séduire comme Jupiter, ou bien en laurier afin de narguer Apollon pour l’éternité ? Même si elle effraie, la métamorphose offre aux êtres qui la vivent une existence beaucoup longue que ce à quoi ils étaient destinés. Elle est aussi un moyen de voir ce qui est essentiel dans un être car dans sa nouvelle peau l’individu garde et laisse apparaître ce qui est essentiel chez lui. Ainsi à l’image de la nymphe Daphné, le laurier est aussi splendide qu’intouchable. Enfin, la métamorphose témoigne de la contiguïté des êtres qui tous participent dignement et équitablement du même monde : elle est donc à la fois une invitation à la tolérance, au souci des autres, anciens ou futurs frères d’espèce et par conséquent au soin de la planète.
Amis des Classiques, soyons élémentaires, c’est notre grandeur !