Amis des classiques, soyons médusés !
L’été, sur la plage, nous pouvons être médusés par la beauté du paysage ou redouter la baignade de peur de tomber sur un banc de méduses. Les deux termes renvoient à la légende de la plus célèbre des trois Gorgones et à l’ambivalence de son destin. Méduse était d’une beauté bouleversante qui excitait la convoitise et les gestes déplacés des hommes et des dieux, parmi lesquels Poséidon. Celui-ci était séduit par l’ondoyante chevelure de la jeune-femme, douce et chatoyante comme la mer au soleil, ainsi que par ses yeux d’émeraude, semblables aux mystères des profondeurs marines. Par vengeance contre celle qui lui avait dérobé la suprématie sur Athènes ou bien seulement par commodité, Poséidon entraîna Méduse dans le temple consacré à Athéna. Il y viola la jeune fille qu’Athéna trouva à terre, prostrée, choquée, encore dégouttante de sang, du sperme du dieu et de ses propres larmes, maudissant cette beauté qui avait été cause de son traumatisme. Athéna transforma les cheveux haïs de Méduse en serpents venimeux et donna à son regard cristallin le pouvoir de transformer en pierre quiconque l’approcherait. Longtemps après, Athéna prendrait Méduse toujours avec elle : sur sa poitrine ou son bouclier, le gorgonéion est une amulette censée effrayer l’adversaire et protéger celui qui la porte. Méduse n’était pourtant pas au bout de ses peines.
Son destin se poursuit entre les mains de Persée lorsque le héros, après avoir tué la jeune femme monstrueuse, voit le sang de Méduse coulant de sa tête décapitée métamorphoser à son tour les algues en coraux merveilleux. Quant à l’assimilation entre la Gorgone et les gracieux mais irritants animaux marins qui hantent nos côtes elle vient de l’imaginaire et du sens de l’observation d’un naturaliste français du XVIIIe siècle, Aubert de La Chesnaye-Desbois.
Méduse est loin d’être la seule divinité de l’Antiquité à connaître une seconde vie dans le vocabulaire maritime de la langue française : songeons à un Triton (une salamandre), à une Naïade (la baigneuse), une Gorgone (le corail) ou une Sirène (sorte de serpent des mers) et même au Titan Atlas, que l’on retrouve dans le mot Atlantique.