Amis des Classiques, festoyons !
Parmi les nombreuses vérités que les Grecs et les Romains ont découvertes et que nous gagnerions à ne pas oublier, il y a que le savoir et la culture ne se transmettent pas que dans les livres et sur les bancs de l’école ou les sièges des salles de spectacle, mais dans les fêtes, les festins, les banquets, dans n’importe quelle bonne soirée, lorsque le partage des mets et de l’amitié délie les langues et invite à boire les paroles des autres autant qu’à leur faire goûter nos idées.
Les Grecs et les Romains ont porté si haut l’art de la fête qu’ils en adoraient un dieu, Dionysos/Bacchus, présent dès l’époque mycénienne. Le banquet est un moment essentiel de la vie sociale dans l’Antiquité. Sous la houlette d’un maître de banquet, le symposiarque, les convives se réunissent pour boire ensemble (c’est l’étymologie du mot grec signifiant « banquet », sumposion), généralement après avoir partagé un dîner (deipnon en grec). On boit, on parle, on rit, pour le dire avec des mots modernes : le boire ensemble cimente le vivre ensemble.
Le banquet est un harmonieux paradis des sens, dont l’intellect fait partie : les joies de la conversation, de la danse, de la poésie, du chant, des jeux et de l’humour circulent de coupe en coupe en même temps que les idées, gorgeant l’atmosphère, nourrissant « l’air du temps » de plaisirs et de pensées, le temps d’une soirée. Pour être prêt pour ce paradis chacun et chacune se préparent, parfois un an en avance, comme les excessives femmes sybarites. Cette préparation n’est pas que destinée à la toilette, elle est également celle de l’esprit. Aux banquets de l’Antiquité, on ne vient pas les mains vides, mais avec ses idées et on ne vient pas seul, mais avec ses auteurs préférés, dont il faut connaître des morceaux entiers par cœur, ainsi que quelques énigmes et un stock de plaisanteries. Un tel degré de raffinement a fait que le banquet pouvait être une œuvre d’art, donc méritant d’être passée aux générations futures, créant ainsi un genre littéraire auquel les plus grands auteurs se sont frottés. Platon, Xénophon, Plutarque, Lucien, Athénée, Pétrone, Macrobe, la liste est longue des écrivains banquetteurs, à commencer par Homère puisque son héros Ulysse décide de transmettre son histoire, que nous connaissons sous le nom d’Odyssée, à l’occasion d’un banquet.
Amis des Classiques, festoyons et levons nos verres à la santé d’Homère, de Virgile, de Sappho et de l’amitié !