Amis des Classiques, prenons la parole !
Des paroles de neige d’Homère à la bouche d’or de Dion Chrysostome en passant par le chant omniscient et omnipotent des Sirènes, il y a mille et une manières et autant de nuances dans l’Antiquité pour faire entendre sa voix. La formidable édition des œuvres complètes de Démosthène l’atteste amplement, montrant enfin l’Orateur dans sa totalité et sa richesse. Le lecteur y découvre l’Orateur dans toute sa splendeur, sombre et complexe, la moire dense de sa prose, profonde comme le velours ou la mer indigo. Entre le logos la parole qui construit, le muthos, la parole qui voyage, et mélos, la parole qui charme, les Grecs divisent simplement et efficacement le formidable pouvoir qui nous a été accordé. À nous le devoir de le préserver, de ne pas l’utiliser à tort et à travers. Ce pouvoir est tellement partagé que nous ne voyons plus sa puissance de changement, de rêverie, de consolation, de rire, de communication, de persuasion. Il a pourtant créé des mondes, changé et détruit d’autres : le poète latin Virgile nous le rappelle lorsqu’il écrit « avec des mots nous pouvons faire descendre la Lune » (Bucoliques, VIII, 60-61). Il a aussi tué des hommes et des œuvres. Cicéron s’enflamme et réduit Catilina en cendres, les comiques sans merci font de leur cible, fictive ou réelle, des objets de dérision pour l’éternité, les érudits et patients philologues savent qu’un mot manquant suffit à changer le sens voire à le perdre irrémédiablement. Lorsqu’ils sont prononcés avec cœur et franchise (parrhésia), nos mots changent tout, nos mots peuvent tout.
Amis des Classiques, prenons la parole et faisons entendre nos voix !