Voici un extrait de la Guerre des Gaules de César dans une traduction nouvellement parue aux Belles Lettres.
César passe à l’action et s’empare de Vesontio (août 58)
37. 1. Au moment même où cette réponse était rapportée à César arrivaient des envoyés des Éduens et des Trévires 1. 2. Plaintes des Éduens : les Harudes, récemment transférés en Gaule, dévastaient leur territoire ; avoir donné des otages à Arioviste n’avait même pas permis d’acheter la paix ! 3. Plaintes des Trévires : cent clans de Suèves 3 s’étaient établis au bord du Rhin et tentaient de le traverser, avec à leur tête deux frères, Nasua et Cimberius 4. 4. Ces nouvelles alarmèrent sérieusement César et le décidèrent à se dépêcher : la jonction entre de nouvelles troupes de Suèves et les anciennes d’Arioviste risquait de compliquer la tâche. 5. Du coup, il se procura du blé le plus vite qu’il put et força l’allure pour aller à la rencontre d’Arioviste.
38. 1. César avait déjà fait trois jours de marche quand il apprit qu’Arioviste avec toute son armée était en route pour occuper Vesontio, la plus grande ville des Séquanes ; il avait quitté son territoire depuis trois jours lui aussi. 2. Pour César, pas question de le laisser réussir, 3. car dans cette place étaient accumulées toutes les réserves nécessaires à la guerre, 4. et le site avait des défenses naturelles tout à fait adaptées pour la faire durer : le Doubs forme un cercle comme tracé au compas et quasiment complet autour de la ville 5. et, là où il s’interrompt – sur moins de 500 m –, il y a une hauteur très élevée dont les parois dominent la rive des deux côtés. 6. Le mur qui en fait le tour la transforme en une citadelle accolée à la ville 1. 7. César part dans cette direction en marchant jour et nuit, il occupe le lieu, il y place une garnison.
Panique dans l’armée romaine. César lui redonne courage
39. 1. L’approvisionnement en blé et autres vivres le retient quelques jours aux environs de Vesontio. Pendant ce temps, nos hommes cherchaient des informations auprès des Gaulois 2 et des marchands qui, dans leurs réponses, en rajoutaient sur la taille prodigieuse des Germains, leur courage inouï, leur entraînement incroyable – ils avouaient s’être souvent sentis incapables dans les combats de leur faire face et de soutenir leur regard perçant. Effet immédiat : un sentiment d’affolement s’empara de l’armée entière, tous furent déstabilisés et perdirent courage. 2. La crise partit des tribuns militaires, des préfets, et de ceux qui avaient quitté Rome pour suivre César, auquel ils étaient attachés par des liens d’amitié mais sans avoir une grande expérience de la guerre 3. 3. Tous avançaient des raisons variées et indiscutables pour justifier leur départ et demandaient à César l’autorisation de s’en aller. Un petit nombre seulement avaient honte et restaient pour ne pas être soupçonnés d’avoir peur. 4. Mais ils n’arrivaient pas à faire bonne figure ni à retenir totalement leurs larmes. Du fond de leur tente, ils se lamentaient sur leur sort ou gémissaient avec leur entourage sur le danger qui les menaçait tous 4. 5. On signait des testaments dans tous les coins du camp. Leurs propos alarmistes parvenaient peu à peu à déstabiliser même les plus aguerris, soldats, centurions, commandants de cavalerie. 6. Ceux qui voulaient avoir l’air plus courageux prétendaient qu’ils n’avaient pas peur de l’ennemi : ce qui les inquiétait, c’était les chemins étroits et les forêts immenses qui les séparaient d’Arioviste, ou alors les questions de ravitaillement. 7. Un certain nombre avaient même averti César : quand il commanderait de lever le camp et de se mettre en route, les soldats n’obéiraient pas à ses ordres et la peur les clouerait sur place.