Anthologie - Dans l’alcôve de Choricios

16 octobre 2018
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Connaissez-vous Choricios de Gaza ? Probablement pas ! La Vie des Classiques vous emmène aujourd'hui à la découverte de cet auteur du second quart du VIe siècle de notre ère, et qui est l’un des derniers représentants de la sophistique et de la rhétorique grecque. Voici deux extraits de l'ouvrage paru récemment aux Belles Lettres.


 

p. VII-IX : INTRODUCTION - Le genre de l’epithalamios logos

L’ἐπιθαλάμιος λόγος figure parmi les discours de circonstances dans les plus importants traités de rhétorique de l’Antiquité ; en effet, issu de compositions poétiques originairement destinées à célébrer des cérémonies nuptiales privées, il se conforme progressivement aux préceptes rhétoriques et aux méthodes de l’encomium public élaborés par les sophistes de l’époque impériale. Précisément ces traités constituent la preuve la plus évidente de la grande popularité de ce genre littéraire qui, malgré le nombre restreint de témoignages qui nous sont parvenus, ne cessa jamais d’être pratiqué. Pour ces raisons, l’auteur de la Τέχνη ῥητορική faussement attribuée à Denys d’Halicarnasse l’inclut entre les γυμνάσματα et les ἀσκήματα τῆς ῥητορικῆς, c’est-à-dire des exercices pratiqués dans les écoles des rhéteurs. Comme ceux-là, en effet, le discours nuptial développe une thesis spécifique centrée sur le mariage et sur l’exhortation à l’union conjugale.

Mais c’est à Ménandre de Laodicée que l’on doit l’exposé le plus complet et le plus détaillé sur l’épithalame ; il le définit avant tout comme un λόγος particulier qui « célèbre les chambres nuptiales, les alcôves, les époux et le dieu du mariage lui-même », et il en approfondit l’analyse en passant en revue tous les arguments possibles à mettre en œuvre pour sa rédaction. Les τέχναι de Ménandre et du Ps.-Denys se présentent sous forme de listes de conseils pratiques d’écriture auxquels l’épithalamiste pouvait recourir pour la rédaction des épithalames ; ces précis créés, en effet, dans le but de standardiser des formes littéraires connues et existantes, constituaient des modèles d’écriture pour les étudiants et également, si nécessaire, un soutien considérable pour les rhéteurs plus aguerris. D’ailleurs, les auteurs de ces traités, qui parfois en revendiquent l’originalité, n’ignoraient pas les buts essentiellement pratiques de ces compilations.

Donc, sous l’effet de cette codification littéraire, conduite chez la précédente tradition de l’épithalame, s’établit pour le discours nuptial une structure fixe et bien définie et la désignation d’ἐπιθαλάμιος remplace celle, plus ancienne, d’ὑμέναιος ; la même opération finira par causer la réduction du plus vaste répertoire traditionnel des chants de noces à une poignée de formes littéraires codifiées.

6. Croyez-vous donc que ce soit ainsi, sans un seul grain de sable sur le maillot, qu’Éros a triomphé d’un jeune homme sensé et qui franchissait régulièrement le seuil des poètes, ou ne pensez-vous pas que les Muses le lui aient disputé en courant jusque chez Apollon — car elles savent qu’Aphrodite fait pencher la balance en faveur de son enfant — pour lui con er le soin de prononcer le jugement ?

7. Voulez-vous donc que nous nous figurions les paroles que vraisemblablement les deux parties ont échangées lors de la joute ?

8. Les Muses se présentèrent en premier lieu — car elles jouaient les rôles d’accusatrices et de Muses en même temps —, et elles dirent à peu près ceci : un jeune homme invulnérable aux plaisirs, nourri dans notre giron, celui qui a toutes les audaces, celui que vous voyez, l’a pris à la chasse et l’a frappé de passion pour une fille, et maintenant, nos affaires ne sont plus rien pour lui, seul compte désormais son trésor.

9. Depuis, notre petite troupe n’a plus de tête, privée de guide comme elle l’est. Entre ceux de son âge, il était de loin le premier à tous égards et jamais ceux de sa classe ne prétendaient à l’égalité. C’est ainsi qu’avec constance il exhibait un dos ignorant les étrivières devant un maître qui se plaisait toujours à accuser même un innocent.

10. Quand les Muses en eurent terminé — souvent aussi pendant qu’elles étaient en train de parler, Éros s’élançait pour les interrompre ; alors il en était empêché par Apollon qui voulait entendre le discours jusqu’au bout —, quand il vit qu’elles avaient ni, il fut d’un bond au milieu : « À quelles sornettes vous attardez-vous, Muses ? Et que n’allez-vous ailleurs chanter des fadaises, comme des petites vieilles pour des garçonnets ? »

ÉPITHALAME POUR ZACHARIE (OR. V)

texte établi, introduit et commenté par Chiara TELESCA, Docteur de l’Université de la Basilicate (Italie)

et traduit par Nadine SAUTEREL Doctorante de l’Université de Nantes