Voici deux fables de Platon à retrouver dans les Fables grecques et latines de l'Antiquité.
L’origine des Cigales
Platon, Phèdre, 259 b-c.
Jadis les cigales étaient des hommes, de ceux qui existaient avant la naissance des Muses. Puis quand les Muses furent nées, et qu’on eut la révélation du chant, il y en eut alors, parmi les hommes de ce temps, qui furent à ce point mis par le plaisir hors d’eux-mêmes, que de chanter leur fit omettre le manger et le boire, et qu’ils trépassèrent sans eux-mêmes s’en douter ! Ce sont eux qui, à la suite de cela, ont été la souche de la gent cigale. Elle a des Muses reçu le privilège de n’avoir, une fois née, aucun besoin de se nourrir, et de se mettre cependant, estomac vide et gosier sec, tout de suite à chanter jusqu’à l’heure du repas, et puis après d’aller trouver les Muses pour leur rapporter qui les honore ici-bas… (trad. Léon Robin, CUF).
Plaisir et Douleur
Platon, Phédon, 60b.
[On vient de délier Socrate de ses chaînes dans sa prison.]
Socrate, assis sur son lit, replia la jambe, se mit à la frotter de la main, et tout en la frottant nous dit : « Quelle chose étrange, mes amis, me paraît être ce qu’on nomme le plaisir ; la nature l’a mis dans un bien curieux rapport avec son contraire apparent, la douleur. Ils n’acceptent pas d’être ensemble présents dans l’homme ; mais qu’on poursuive l’un et qu’on l’attrape, il faut presque à coup sûr attraper l’autre aussi ; ce sont comme deux corps liés à une seule tête. Je crois que si Ésope s’en était avisé, il aurait composé une fable : la divinité, voulant mettre fin à leur lutte et n’y parvenant pas, attacha leurs deux têtes ensemble ; voilà pourquoi, quand l’un se présente, l’autre suit aussitôt. C’est bien aussi, semble-t-il, ce qui m’arrive : dans ma jambe, à cause de la chaîne, il y avait la douleur, et maintenant vient à sa suite le plaisir » (trad. Paul Vicaire, CUF).