Voici deux fables latines racontées par Tite-Live et Horace que vous pouvez retrouver dans les Fables grecques et latines de l'Antiquité (sous la direction de Jacqueline Sauzeau et Pierre Sauzeau).
Les Membres et l’Estomac
Tite-Live, Histoire de Rome, II, 32
[La plèbe, s’estimant injustement traitée, s’est retirée sur le Mont Sacré ou sur l’Aventin. Une guerre extérieure menace. Le danger de voir Rome s’écrouler par la division pousse le Sénat à négocier.]
On décida donc d’envoyer à la plèbe un parlementaire, Ménénius Agrippa, orateur éloquent, que ses origines plébéiennes rendaient populaire. Une fois introduit dans le camp, il eut recours à un procédé oratoire archaïque et primitif, et se borna à raconter cette fable : « Au temps où le corps humain ne formait pas comme aujourd’hui un tout en parfaite harmonie, mais où chaque membre avait son opinion et son langage, tous s’étaient indignés d’avoir le souci, la peine, la charge d’être les pourvoyeurs de l’estomac, tandis que lui, oisif, au milieu d’eux, n’avait qu’à jouir des plaisirs qu’on lui procurait ; tous, d’un commun accord, avaient décidé, les mains de ne plus porter les aliments à la bouche, la bouche de ne plus les recevoir, les dents de ne plus les broyer. Mais en voulant, dans leur colère, réduire l’estomac par la famine, du coup les membres, eux aussi, et le corps entier, étaient tombés dans un complet épuisement. Ils avaient alors compris que la fonction de l’estomac n’était pas non plus une sinécure, que s’ils le nourrissaient, il les nourrissait, en renvoyant à toutes les parties du corps ce principe de vie et de force réparti entre toutes les veines, le fruit de la digestion, le sang. » Faisant alors un parallèle entre la révolte interne du corps et la colère des plébéiens contre le sénat, il les fit changer de sentiment (trad. Gaston Baillet, CUF).
Le Cerf, le Cheval et l’Homme
Horace, Épîtres, I, 10
Le cerf, supérieur au combat, chassait le cheval de leurs pâturages communs, jusqu’au jour où celui qui avait le dessous dans cette longue lutte implora le secours de l’homme et se soumit au frein. Mais quand, plein d’orgueil, il fut revenu vainqueur de son ennemi, jamais il ne put débarrasser son dos du cavalier ni sa bouche du frein. Ainsi l’homme qui, redoutant la gêne, se prive de ce bien le plus précieux que tous les métaux, la liberté, aura, de son avidité, à porter un maître et sera éternellement esclave, faute de savoir se contenter de peu (trad. F. Villeneuve, CUF).