La vie des Classiques vous offre aujourd'hui un deuxième extrait des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, dont la magnifique édition illustrée publiée aux Belles Lettres à l'occasion de son centenaire.
Zeus leur avait envoyé une ardeur inépuisable : sans lui, ils n’auraient pu les suivre au loin, car leur vol était aussi rapide que les tempêtes du Zéphyr, chaque fois qu’elles venaient chez Phinée ou s’en allaient de chez lui. Quand, dans les montagnes, d’habiles chiens de chasse suivent à la course la piste de chèvres cornues ou de chevreuils, ils vont à toute allure en les serrant de près et, au bout de leurs mâchoires, leurs dents vainement s’entrechoquent : ainsi Zétès et Calaïs, lancés tout près d’elles, essayaient en vain de les saisir du bout des doigts. Certes, ils les auraient mises en pièces malgré les dieux, après les avoir rejointes très loin, au-dessus des Îles Flottantes
(Plôtes), si la rapide Iris[1] ne les avait vus et ne s’était élancée du haut du ciel, à travers l’éther, pour les arrêter par cet avertissement : « Il n’est pas permis, fils de Borée, de frapper avec vos épées les Harpyies, chiennes du grand Zeus ; mais je vous ferai moi-même le serment que jamais plus elles ne reviendront toucher cet homme. »
A ces mots, en versant une libation de cette eau du Styx qui est pour tous les dieux la plus redoutée et la plus vénérée, elle jura[2] que celles-ci désormais n’approcheraient plus des demeures de l’Agénoride Phinée ; car tel était aussi l’arrêt du destin. Devant ce serment, ils cédèrent et firent demi-tour pour s’en revenir vite au navire : en souvenir de cela, les hommes appellent maintenant Iles du Retour (Strophades) ces îles qu’ils nommaient jadis les Flottantes (Plôtes).
Les Argonautiques, vers 275-298
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