Aujourd'hui, La vie des Classiques vous offre un extrait de Ion de Platon dans une nouvelle traduction parue tout récemment aux Belles Lettres.
SOCRATE. – Quelle bonne nouvelle ! Continue comme ça, et nous gagnerons aussi les Panathénées !
ION. – Il en sera ainsi, si le dieu le veut.
SOCRATE. – Puisqu’on en parle, Ion, que de fois j’ai envié votre art, à vous autres les rhapsodes ! À la fois en effet il vous sied, en vertu de votre art, d’avoir toujours paré votre corps et de paraître aussi beaux qu’il est possible de l’être, et il vous est nécessaire de passer du temps à fréquenter de nombreux et bons poètes, mais plus encore, par-dessus tout, Homère, le meilleur et le plus divin des poètes, celui dont il est enviable d’apprendre à connaître sur le bout des doigts la pensée [c], et pas seulement les vers. C’est qu’on ne deviendrait jamais un rhapsode, si l’on ne comprenait pas les choses dites par le poète. Il faut en effet que le rhapsode se fasse, pour les auditeurs, l’interprète de la pensée du poète. Or il est impossible de faire cela comme il faut, si on n’en vient pas à connaître ce que dit le poète. C’est toutes
ces choses qui méritent d’être enviées !
ION. – Tu dis vrai, Socrate. Ce que je sais moi, c’est que, dans mon art, c’est cela qui m’a demandé le plus de travail ! Et je pense être l’homme qui parle le mieux d’Homère, d’une manière telle que ni Métrodore de [d] Lampsaque ni Stésimbrote de Thasos, ni Glaucon, ni aucun autre de ceux qui ont existé jusqu’à présent, n’a su dire des pensées aussi nombreuses et aussi belles sur Homère que moi.
SOCRATE. – Comme tu parles bien, Ion ! Et donc, évidemment, tu ne te refuseras pas à me faire une démonstration ?