Amis des Classiques, voici un extrait du Phédon où Socrate, sur le point de mourir, s'exprime sur le beau risque de vivre :
« Eh bien! Simmias, pour toutes les raisons que nous venons d'exposer, nous devons tout faire en vue de participer, dans cette vie, à la vertu et à la pensée: le prix de nos efforts est beau, et grande notre espérance. Il ne convient pas, sans doute, à un homme sensé de soutenir que ces choses sont précisément comme je l'ai dit. Mais qu'il en soit ainsi, ou à peu près ainsi, de nos âmes et de leurs demeures, puisqu'il est évident que l'âme est immortelle, c'est un risque, à mon avis, qu’il convient d'affronter, et qui vaut la peine, quand on croit à l'immortalité.
Ce risque, en effet, mérite d'être couru , et il faut, dans les choses de ce domaine, se faire à soi-même comme une incantation : c'est pourquoi, vous voyez, je m'attarde moi-même à ce mythe. Eh bien! pour toutes ces raisons, on doit être confiant dans le sort de son âme, quand on a d'abord, pendant sa vie, rejeté ce qui flatte le corps en général, et ses parures en particulier, car ce sont choses étrangères et dont on pense que l'effet est plutôt nuisible; et quand on a, par ailleurs, travaillé sérieusement à s'instruire, en donnant à son âme une parure qui n'est point étrangère mais qui lui appartient — tempérance, justice, courage, liberté, vérité — alors on attend calmement
de se mettre en route vers l'Hadès, sachant qu'il faudra partir quand le destin vous appellera. Vous, bien sûr, Simmias, Cébès et tous les autres, vous Prendrez ce chemin plus tard, quelque jour. Pour moi, le moment est venu et, comme dirait un personnage et puis, c'est presque de tragédie, le destin m'appelle l'heure de mon bain: il vaut mieux, je crois, que je me baigne avant de boire le poison, et que je ne donne pas aux femmes la peine de laver un mort. »
Phédon 114d-115a