Platon condamnait Homere pour avoir ose parler du "rire inextinguible des dieux". Voici le passage homérique en question extrait de l'édition du Centenaire de l'Iliade :
Il dit, et l’auguste Héré aux grands yeux prend peur et s’assied, muette, faisant violence à son cœur. Dans le palais de Zeus, les dieux issus de Ciel commencent à s’irriter. Alors Héphæstos, l’illustre Artisan, se met à leur parler; il veut plaire à sa mère Héré aux bras blancs:
«Ah ! la fâcheuse, l’insupportable affaire, si, pour des mortels, vous disputez tous deux ainsi, et menez tel tumulte au milieu des dieux ! Plus de plaisir au bon festin, si le mauvais parti l’emporte! Moi, à ma mère, pour sage qu’elle soit, j’offre ici un conseil: qu’elle cherche à plaire à Zeus, afin que notre père n’aille plus, en la querellant, troubler notre festin. Et si l’Olympien qui lance l’éclair éprouvait seulement l’envie de la précipiter à bas de son siège!… Il est de beaucoup le plus fort. Allons! va, cherche à le toucher avec des mots apaisants ; et aussitôt l’Olympien nous deviendra favorable.»
Il dit, et, sautant sur ses pieds, il met la coupe à deux anses aux mains de sa mère, en disant:
« Subis l’épreuve, mère ; résigne-toi, quoi qu’il t’en coûte. Que je ne te voie pas de mes yeux, toi que j’aime, recevoir des coups! Je ne pourrais lors t’être utile, en dépit de mon déplaisir. Il est malaisé de lutter avec le dieu de l’Olympe. Une fois déjà, j’ai voulu te défendre : il m’a pris par le pied et lancé loin du seuil sacré. Tout le jour je voguais; au coucher du soleil, je tombai à Lemnos: il ne me restait qu’un souffle. Là, les Sintiens me recueillirent, à peine arrivé au sol.»
Il dit et fait sourire Héré, la déesse aux bras blancs; et, souriante, elle reçoit la coupe que lui offre son fils. Lui, cependant, à tous les autres dieux, va sur sa droite versant le doux nectar, qu’il puise dans le cratère. Et, brusquement, un rire inextinguible jaillit parmi les Bienheureux, à la vue d’Héphæstos s’affairant par la salle!
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