Le récit commence à Babylone, comme un conte oriental. Darius II fut roi des Perses de 423 à 404 avant J.-C.
Darius et Parysatis avaient deux fils : l’aîné se nommait Artaxerxès, le plus jeune, Cyrus. Quand Darius tomba malade et sentit sa fin approcher, il voulut avoir ses deux fils à ses côtés. Le plus âgé, Artaxerxès, se trouvait déjà à la cour de son père. Quant à Cyrus, Darius le fit venir de la province dont il lui avait confié le gouvernement avec le titre de satrape : il lui avait aussi donné le commandement de toutes les troupes du district militaire de la Plaine de Castôlos, près de Sardes. Cyrus se mit donc en marche vers Babylone, avec Tissaphernès, qu’il croyait être son ami, et trois cents de ses hoplites grecs, pris dans son infanterie lourde, sous le commandement de Xénias de Parrhasia.
Après la mort de Darius, Artaxerxès monta sur le trône. C’est alors que Tissaphernès se mit à discréditer Cyrus auprès du Grand Roi son frère, en l’accusant de comploter contre lui. Artaxerxès le crut et le fit arrêter Cyrus avec l’intention de le mettre à mort. Mais leur mère, Parysatis, intervint en sa faveur et obtint qu’il soit renvoyé dans la satrapie qu’il gouvernait.
Cyrus se retira : il était encore sous le choc du danger et de l’humiliation qu’il venait de subir. Il cherchait un moyen d’échapper à l’autorité de son frère et même, s’il le pouvait, de s’asseoir sur le trône à sa place. Il pouvait compter sur l’appui de leur mère Parysatis, car elle l’aimait plus que son frère, Artaxerxès, le souverain en titre. Désormais, chaque fois qu’il recevait la visite d’un membre de l’entourage du Roi, Cyrus faisait en sorte de traiter son visiteur avec les plus grands égards pour qu’à son départ celui-ci se sente davantage son ami que celui de son frère. De plus, il s’appliquait à faire des soldats perses, dont il avait le commandement, des troupes aguerries, dévouées à sa personne. En même temps, il recruta dans le plus grand secret un corps de troupes grecques, de manière à prendre, son frère à l’improviste, autant que possible.
Xénophon, Les Dix-Mille, I, 1-6
ed. Phébus
trad. Pascal Charvet et Annie Collognat