À l’occasion de leurs 100 ans d’édition, Les Belles Lettres rendront hommage tout au long de l’année aux classiques publiés dans les collections de la maison. Que vous les connaissiez ou non, les textes réunis dans la série du Centenaire célèbrent le plaisir toujours neuf de la lecture. Vous y croiserez des histoires d’amour et d’héroïsme mais aussi des métamorphoses antiques, vous y apprendrez comment bien régner et comment vous détacher de vos soucis de mortels, vous y contemplerez la nature en philosophe et en poète.
Les livres du Centenaire se présentent en traduction seule, illustrée par de jeunes artistes contemporains et dans le format emblématique de la maison (12 x 19 cm). L’occasion pour chacun d’emporter avec soi Ovide, dès le mois de janvier, Machiavel et Apollonios de Rhodes en février, Homère et Lucrèce en mars et avril, Épictète et l’Anthologie grecque en juin. La suite du programme vous sera dévoilée au début de l’été…
Voici donc, pour commencer, les premiers vers des Métamorphoses d'Ovide dans la très belle série du Centenaire :
Je veux dire l’histoire et les métamorphoses
Des formes et des corps. Dieux, c’est votre œuvre aussi :
Inspirez mon poème et guidez-en le fil
De l’aurore du monde au matin d’aujourd’hui !
Avant les mers, la terre et le ciel qui les couvre
La nature n’offrait pour unique figure
Qu’un bloc nommé chaos, masse informe et confuse,
Poids mort élémentaire empilant vaguement
Les germes désunis d’atomes mal liés.
Aucun Titan n’avait ensoleillé le globe,
Nulle lune en croissant n’armait ses jeunes cornes,
La terre alors aux cieux ne se suspendait pas
Partout lestée d’un poids égal, et d’Amphitrite
Les bras n’enlaçaient pas le contour du sol ferme.
Glèbe, air et océan se confondaient partout,
Le sol était instable, ingouvernable l’onde,
L’air privé de clarté, toute forme mouvante,
Et tout dressant obstacle à tout : en chaque corps
Le froid livrait bataille au chaud, l’humide au sec,
Au dur le tendre, au lourd la substance sans masse.
Un Dieu que la nature, au meilleur se portant,
Aida, les mit en paix, triant cieux, terre et onde,
Puis ainsi démêlés, tirés du sombre amas,
Aux airs dense et subtil il assigna leurs places
Et les lia ensemble en concorde mutuelle.
L’éclair du feu, ne pesant rien, logea sa force
Au plus haut pic de l’arc de la voûte du ciel.
L’air, presque aussi léger, s’installa près du feu.
Plus dense, entrattirant ses plus lourds blocs, la terre
Se tassa sur son poids. Enfin l’onde alentour
Prit l’espace restant et encercla le globe.
Quand ce dieu inconnu eut rangé cet amas,
Il coupa des morceaux, en façonna des membres,
Roula d’abord la terre, en sorte de la rendre
Égale de partout, en une boule énorme,
Puis, répandant les mers gonflées des ouragans,
Leur commanda d’enceindre la glèbe et ses berges,
Leur joignit les grands lacs, les étangs et les sources
Et les torrents pentus encaissés de hauts rocs,
Qui, tantôt résorbés d’eux-mêmes sous la terre,
Vont tantôt librement de la plaine à la mer
Y battre le rivage en place du ravin,
Enfin creusa les vaux, dressa les monts rocheux,
Échevela les bois et aplanit les champs.
Ovide, Métamorphoses, I, 1-44