Voici un extrait de la Guerre des Gaules de César dans une traduction nouvellement parue aux Belles Lettres.
27. 1. Le lendemain, César fit avancer une tour et remettre d’aplomb les ouvrages qu’il avait fait fabriquer. Une pluie diluvienne se mit à tomber : belle opportunité pour passer à l’action, se dit-il ; visiblement, des failles étaient apparues dans le dispositif de garde du rempart. Il ordonna à ses hommes de ralentir les travaux et précisa ses consignes. 2. Il alla encourager les légions prêtes à combattre, dissimulées par les baraques d’approche : ça y était ! Après tout ce qu’ils avaient enduré, les fruits de la victoire étaient à portée de main ! Il promit des récompenses à ceux qui escaladeraient le mur en premier 1 et donna le signal de l’assaut. 3. Les voilà qui soudain jaillissent de tous les côtés et investissent le mur en un instant.
28. 1. Chez l’ennemi, la surprise provoqua l’affolement. Chassés du rempart et des tours, ils se reformèrent en coin 2 sur le forum et les places, dans l’intention de bloquer toute attaque d’où qu’elle vienne en formant un front. 2. Mais quand ils virent qu’au lieu de venir au contact sur un terrain plat, nos soldats se déployaient sur tout le pourtour du rempart, ils eurent peur de ne plus avoir aucune chance de s’enfuir. Ils jetèrent leurs armes et partirent à toute vitesse à l’autre bout de la ville. 3. Mais là, ceux qui s’agglutinent devant les portes trop étroites sont tués par les soldats. Ceux qui ont réussi à sortir n’échappent pas à la cavalerie. 4. Personne ne pensait au pillage. Poussés à bout à cause du carnage de Cenabum 3 et de ce siège interminable, ils n’épargnèrent personne, ni les vieux, ni les femmes, ni les enfants. 5. Bilan : sur près de 40 000 personnes au total, à peine 800, qui s’étaient précipitées hors de la ville dès les premiers cris, arrivèrent saines et sauves au camp de Vercingétorix. 6. En pleine nuit, il les accueillit en leur imposant le silence parce qu’il craignait de voir leur débandade provoquer dans le camp un mouvement de pitié et une émeute générale. Il avait pris soin de positionner sur le chemin, à distance du camp, ses proches et les chefs des cités pour qu’ils les trient et les conduisent dans le secteur du camp qui avait été attribué initialement à chaque cité.
29. 1. Le lendemain, Vercingétorix convoqua l’assemblée 4 et y tint des propos positifs, pleins d’empathie : il ne fallait pas se laisser abattre ou perturber par cette défaite. 2. Les Romains avaient gagné, mais pas grâce à leur courage ou à une bataille en règle : ils devaient leur succès à des connaissances théoriques et pratiques en matière de siège, dont les Gaulois, eux, n’avaient pas l’expérience. 3. Ce serait une erreur d’oublier que, dans une guerre, tout ne se passe pas comme on voudrait. 4. De son côté, il n’avait jamais été d’avis de défendre Avaricum, il les en prenait à témoin 1 ; la raison de ce désastre, c’était le manque d’anticipation des Bituriges et le suivisme des autres. 5. Passons… Il allait rebondir et remporter de plus grands succès. 6. Les cités qui étaient restées à l’écart du mouvement général 2, il allait tout faire pour les rallier, pour que l’ensemble de la Gaule3 marche d’un seul pas : contre la Gaule unie, la terre entière ne pourrait rien4. On y était presque ! 7. En attendant, il serait normal que, de leur côté, ils se mettent à fortifier le camp pour mieux résister aux attaques surprise de l’ennemi : c’était l’intérêt de tous.
Guerre des Gaules, VII, 27-29