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L’ART DE CHOISIR SES SOURCES
Si les historiens anciens se plaignent souvent, comme c’est le cas de Tite-Live pour les premiers siècles de Rome, du manque de sources, ils se trouvent aussi parfois confrontés à une pléthore d’ouvrages antérieurs entre lesquels ils doivent choisir. Ce sont les règles qu’il s’est fixées au moment d’écrire une énième histoire d’Alexandre que présente ici Arrien, et si certains de ses arguments peuvent paraître spécieux, il n’en reste pas moins que ses choix sont mûrement réfléchis.
Ptolémée, fils de Lagos, et Aristobule, fils d’Aristobule, sont d’accord sur un certain nombre de faits concernant Alexandre, fils de Philippe ; en ce cas je les reprendrai en les considérant comme entièrement véridiques. Mais, lorsqu’ils sont en désaccord, je choisirai la version qui me paraîtra à la fois la plus fiable et la plus digne d’être mentionnée. Beaucoup d’autres auteurs ont écrit des ouvrages sur Alexandre et il n’y a pas un personnage qui ait suscité plus d’historiens et plus de témoignages contradictoires ; mais Ptolémée et Aristobule m’ont semblé les plus dignes de foi dans leur exposé des faits. Aristobule, parce qu’il a combattu aux côtés du roi Alexandre, et Ptolémée, parce qu’il a non seulement combattu avec lui, mais parce que, devenu roi lui-même, il était plus déshonorant pour lui que pour un autre de mentir. En outre, comme ils ont écrit tous les deux après la mort d’Alexandre, déformer les faits n’était pour eux ni une nécessité ni une source de profit. Il y a aussi des faits que d’autres historiens ont rapportés et que j’ai retenus parce qu’eux aussi, me semblait-il, méritaient d’être mentionnés et n’étaient pas totalement sans fondement, mais uniquement comme des on-dit se rapportant à Alexandre. Par ailleurs, celui qui s’étonnerait de ce que, après de si nombreux historiens, j’aie eu moi aussi l’idée d’entreprendre le présent ouvrage, ne devra s’étonner qu’après avoir entièrement lu ces historiens et m’avoir lu moi-même.
Arrien, Histoire d'Alexandre, I, 1,
trad. Gérard Salamon