Touchez, goûtez, voyez, entendez, quelle sera la surprise classique de la journée ?
Du 1er au 24 décembre, retrouvez chaque jour un extrait des Classiques, à lire et/ou à écouter !
PAVANE
La diversité des fleurs est également célébrée dans la description de jardin qui suit, comme cadre idyllique propice à l’amour. L’impression de variété se trouve démultipliée par le reflet de l’eau des bassins ainsi que par la confusion poétique suggérée entre les fleurs et les plumes des oiseaux.
Les fleurs, de couleurs variées, faisaient montre, tour à tour, de leur beauté, et c’étaient la pourpre de la terre, le narcisse et la rose. La rose et le narcisse avaient la même forme de calice ; c’était la coupe de la plante. La couleur des pétales qui se séparaient autour du calice était à la fois de sang et de lait dans le bas du pétale de la rose, et le narcisse était en son entier semblable au bas de la rose. La violette n’avait pas de calice, mais sa couleur était semblable à celle dont resplendit le calme de la mer. Au milieu des fleurs jaillissait une source ; un bassin carré, creusé de main d’homme pour recevoir le courant, l’entourait. L’eau était le miroir des fleurs, si bien que le jardin semblait être double, l’un réel et l’autre son reflet. Quant aux oiseaux, les uns, apprivoisés, picoraient dans le bois, ceux que la nourriture des hommes avait domestiqués, tandis que les autres, volant librement, s’ébattaient autour de la cime des arbres ; les uns chantaient leurs chants d’oiseaux ; les autres s’enorgueillissaient de la robe de leur plumage. Ceux qui chantaient étaient les cigales et les hirondelles, les unes chantant la couche d’Aurore, les autres le festin de Térée. Les oiseaux apprivoisés étaient le paon, le cygne et le perroquet ; le cygne trouvait sa nourriture près des sources, le perroquet était suspendu à un arbre, dans une volière, le paon laissait traîner sa queue parmi les fleurs. Le spectacle que donnaient les fleurs rivalisait de splendeur avec la couleur du plumage des oiseaux : c’était une floraison de plumes. […] Le hasard voulut qu’à ce moment l’oiseau déployât la beauté de ses plumes et montrât le spectacle de son plumage. « Ce n’est pas sans dessein, dis-je, que l’oiseau agit ainsi : il est amoureux. C’est lorsqu’il veut gagner son aimée qu’il se pavane ainsi. La vois-tu, elle, près du platane ? (je montrai du doigt une paonne), c’est pour elle, maintenant, qu’il exhibe la beauté de la prairie de son plumage. C’est la prairie du paon qui est la plus fleurie : la nature a même mis de l’or dans son plumage ; autour de cet or court un cercle de pourpre semblable : c’est un oeil sur la plume. »
Achille Tatius, Le Roman de Leucippé et Clitophon, I, 15, 5-16, 3
C.U.F., Les Belles Lettres,
trad. Jean-Philippe Garnaud, revue par Françoise Frazier