Alors jeune docteure et chercheuse, Florence Dupont publie en 1982 dans la revue Langage « Cicéron sophiste romain ». Amis des Classiques lisez ce texte sans oublier qu’il a 35 ans, mais lisez-le !
CICÉRON, SOPHISTE ROMAIN
Florence DUPONT- Université de Paris- Sorbonne
in Langages, 16ᵉ année, n°65, 1982. Signification et référence dans l'antiquité et au moyen âge. p. 23-46
La question du sujet.
Cicéron. Qui par la force des choses se trouve à l'origine d'une conception de la parole qui exhibe son sujet. Par la force des choses, car il n'a pas construit systématiquement une théorie romantique de l'écriture, lieu d'expression d'un sujet dont l'identité singulière se confondrait avec la biographie douloureuse ; il en a posé les bases, l'a rendue possible des siècles plus tard. Cicéron a subi les effets de son projet politique fondamental : placer l’orator à la tête de l'Etat en montrant que le maître de la parole persuasive est à cause de cette maîtrise destiné à diriger les affaires de la Respublica. Cette démonstration s'inscrivait dans une pratique particulière des paroles politique et judiciaire, celle de la Rome républicaine, et ne pouvait se faire qu'au moyen de deux discours contradictoires hérités de la Grèce, celui des rhéteurs, eux-mêmes héritiers des sophistes, et celui de leurs adversaires historiques, les philosophes. C'est ce projet politique qui amène Cicéron à formuler des propositions nouvelles sur la nature de la parole persuasive — oratio — dans une célèbre trilogie constituée par le Brutus, l’Orator et le De oratore Projet aux implications complexes qui le conduit à mêler des considérations de philosophie politique, d'histoire littéraire, d'histoire grecque et romaine, des conseils pratiques sur l'usage de la parole oratoire et des éléments de théorie linguistique. Il s'en suit que ces trois œuvres forment une sorte de labyrinthe à plusieurs entrées. Parmi ces entrées, nous avons choisi une question linguistique, le lien qui unit la parole et son sujet, dans la mesure où Cicéron en parle en termes nouveaux par rapport aux philosophes et aux rhétoriciens qui l'ont précédé. Mais entrée qui est d'abord historique et politique, car c'est le concept romain, concept éthico-politique, d’auctoritas qui lui a imposé et permis cette révolution copernicienne à l'intérieur de la tradition grecque, puisque les discours sur la parole à Rome, comme tous les discours théoriques et techniques, sont des importations d'origine grecque.
Qu’est-ce que l’auctoritas?
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