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À l’heure où les robots humanoïdes ne sont plus une réalité si lointaine et où l’intelligence artificielle entre peu à peu dans nos vies, posons-nous la question de leurs ancêtres : et si le premier robot de l’histoire était un Géant de la mythologie grecque ?
Selon une version rapportée par le pseudo-Apollodore (Bibliothèque, I, 9, 26), le dieu Héphaïstos aurait forgé et offert un Géant de bronze au roi de Crète Minos, pour surveiller son île bien-aimée. Infatigable comme tout bon robot qui se respecte, Talos – tel était son nom – était capable de faire trois fois le tour de l’île en une seule journée pour s’acquitter de sa mission. Soit un petit entraînement quotidien de plus de trois mille kilomètres, qui ferait pâlir d’envie tous les meilleurs coureurs d’ultrafond !
Malheur à celles et ceux qui souhaitaient poser le pied sur l’île minoenne… Talos était toujours là pour leur en interdire l’accès. Les Argonautes peuvent en témoigner : à peine furent-ils repérés par Talos que le Géant fit une pause dans sa course folle et se saisit d’immenses pierres qu’il jeta en direction du navire Argo.
Toutefois, malgré son origine divine, Talos n’était pas immortel. Que le Géant fût un des derniers représentants de la race de bronze ou qu’il fût forgé par Héphaïstos, son corps d’airain était parcouru d’une veine unique, fermée par un clou de bronze au niveau de sa cheville. Il s’agissait là de son « talon d’Achille », pour ainsi dire.
C’est cette faiblesse qu’utilisa la magicienne Médée pour venir en aide à Jason dans sa conquête de la Toison d’or. Soit elle réussit à hypnotiser Talos grâce à des drogues de sa connaissance ; et le Géant de se blesser la cheville et de s’ouvrir son unique veine. Soit elle lui promit l’immortalité et, ayant gagné sa confiance, en profita pour lui arracher le fameux clou : l’ichor (le sang des dieux) se répandit hors du corps du Géant et, avec lui, la vie.
Si Talos est le premier robot imaginé par l’homme, Médée serait alors la première à pirater un humanoïde…
Source :
Ἐντεῦθεν ἀναχθέντες κωλύονται Κρήτῃ προσίσχειν ὑπὸ Τάλω. Τοῦτον οἱ μὲν τοῦ χαλκοῦ γένους εἶναι λέγουσιν, οἱ δὲ ὑπὸ Ἡφαίστου Μίνῳ δοθῆναι· ὃς ἦν χαλκοῦς ἀνήρ, οἱ δὲ ταῦρον αὐτὸν λέγουσιν. Εἶχε δὲ φλέϐα μίαν ἀπὸ αὐχένος κατατείνουσαν ἄχρι σφυρῶν· κατὰ δὲ τὸ τέρμα τῆς φλεϐὸς ἧλος διήρειστο χαλκοῦς. Οὗτος ὁ Τάλως τρὶς ἑκάστης ἡμέρας τὴν νῆσον περιτροχάζων ἐτήρει· διὸ καὶ τότε τὴν Ἀργὼ προσπλέουσαν θεωρῶν τοῖς λίθοις ἔϐαλλεν. Ἐξαπατηθεὶς δὲ ὑπὸ Μηδείας ἀπέθανεν, ὡς μὲν ἔνιοι λέγουσι, διὰ φαρμάκων αὐτῷ μανίαν Μηδείας ἐμϐαλούσης, ὡς δέ τινες, ὑποσχομένης ποιήσειν ἀθάνατον καὶ τὸν ἧλον ἐξελούσης, ἐκρυέντος τοῦ παντὸς ἰχῶρος αὐτὸν ἀποθανεῖν. Τινὲς δὲ αὐτὸν τοξευθέντα ὑπὸ Ποίαντος εἰς τὸ σφυρὸν τελευτῆσαι λέγουσι. Μίαν δὲ ἐνταῦθα νύκτα μείναντες Αἰγίνῃ προσίσχουσιν ὑδρεύσασθαι θέλοντες, καὶ γίνεται περὶ τῆς ὑδρείας αὐτοῖς ἅμιλλα. Ἐκεῖθεν δὲ διὰ τῆς Εὐϐοίας καὶ τῆς Λοκρίδος πλεύσαντες εἰς Ἰωλκὸν ἦλθον, τὸν πάντα πλοῦν ἐν τέτταρσι μησὶ τελειώσαντες.
Ayant repris le voyage, les Argonautes atteignirent la Crète ; mais la présence de Talos les empêcha de pénétrer dans le port. Ce Talos, aux dires de certains, appartenait encore à la race de Bronze ; d’autres disent toutefois qu’il avait été offert à Minos par Héphaïstos. C’était un homme tout en bronze, même si certains soutiennent que c’était un taureau. Il avait une veine unique, qui parcourait son corps depuis la nuque jusqu’aux chevilles, et, à l’extrémité de cette veine, il y avait un clou en bronze qui la fermait. Talos, en tant que sentinelle, faisait chaque jour trois fois le tour de l’île : ayant aperçu le navire Argo qui s’approchait de la côte, il commença à le prendre pour cible avec de grosses pierres. Mais Talos aussi fut embobiné par Médée, et il mourut. Certains disent qu’avec ses drogues Médée le rendit fou ; d’autres au contraire que cela se passa de cette façon : Médée lui promit l’immortalité, et, tout au contraire, elle lui enleva le clou qui fermait sa veine, de façon que tout son ichor s’échappa, et Talos mourut. Suivant une autre version, il mourut parce que Poéas lui décocha une flèche dans le talon.
Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, I, 9, 26
(traduction d’Ugo Bratelli, 2001).