Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
L’Histoire naturelle, vaste encyclopédie en trente-sept livres publiée vers 77, est une véritable mine d’or tant les sujets abordés sont d’une grande variété : zoologie, géographie, magie, botanique, art, minéralogie… Si son auteur, Pline l’Ancien, a cherché à compiler rigoureusement les savoirs scientifiques et techniques que tout Romain cultivé se devait de connaître, il a également inséré dans ses développements des éléments merveilleux, voire miraculeux. C’est ainsi qu’au début du livre VIII, consacré aux animaux terrestres, Pline rapporte quelques anecdotes au sujet de celui qu’il estime « le plus proche de l’homme par les sentiments » : l’éléphant.
Romae iuncti primum subiere currum Pompei Magni Africano triumpho [...]. Germanici Caesaris munere gladiatorio quosdam etiam inconditos meatus edidere saltantium modo. Vulgare erat per auras arma iacere non auferentibus uentis, atque inter se gladiatorios congressus edere aut lasciuienti pyrriche conludere. Postea et per funes incessere, lecticis etiam ferentes quaterni singulos puerperas imitantes, plenisque homine tricliniis accubitum iere per lectos, ita libratis uestigiis ne quis potantium attingeretur.
Certum est unum tardioris ingenii accipiendis quae tradebantur, saepius castigatum uerberibus, eadem illa meditantem noctu repertum. Mirum maxime et aduersis quidem funibus subire, sed regredi, utique pronis. Mucianus III consul auctor est aliquem ex iis et litterarum ductus Graecarum didicisse solitumque perscribere eius linguae uerbis : Ipse ego haec scripsi et spolia Celtica dicaui ; itemque se uidente Puteolis, cum aduecti e naue egredi cogerentur, territos spatio pontis procul a continente porrecti, ut sese longinquitatis aestimatione fallerent, auersos retrorsus isse.
Les premiers éléphants attelés qu’on ait vus à Rome sont ceux qui traînèrent le char du grand Pompée dans son triomphe sur l’Afrique […]. Aux jeux de gladiateurs offerts par Germanicus César, des éléphants exécutèrent aussi quelques pas maladroits, en manière de danse. Leurs exercices ordinaires consistaient à jeter dans les airs des armes que les vents ne pouvaient emporter, à figurer entre eux des rencontres de gladiateurs, ou à se livrer aux ébats d’une folâtre pyrrhique. Ensuite, ils marchèrent aussi sur la corde raide, ou encore on vit des groupes de quatre éléphants qui portaient dans une litière un cinquième faisant figure d’accouchée ; enfin dans des salles à manger pleines de convives ils allèrent prendre place à table, et circulèrent à travers les lits en dirigeant leurs pas avec assez d’adresse pour ne toucher aucun des buveurs.
Il est avéré qu’un éléphant, ayant été plusieurs fois corrigé pour sa lenteur d’esprit à retenir ce qu’on lui enseignait, fut trouvé la nuit répétant sa leçon. Il est des plus étonnants de les voir grimper le long d’une corde, et de les en voir redescendre, surtout la tête en avant. Mucianus, qui fut trois fois consul, rapporte que l’un d’eux avait appris à tracer les caractères grecs, et qu’il écrivait dans cette langue la phrase : « C’est moi-même qui ai écrit ceci, et consacré les dépouilles celtiques ». Le même auteur affirme avoir vu de ses yeux le spectacle suivant : à Pouzzoles, des éléphants amenés par mer qu’on forçait à débarquer, effrayés par la longueur de la passerelle qui les séparait du rivage, firent le trajet à reculons, pour se donner le leurre sur la distance à parcourir.
PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle, VIII, 2-3
C.U.F., Les Belles Lettres,
ed. et trad. Alfred Ernout