Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
Comme tant je ne me serais peut-être jamais intéressée à la civilisation gréco-romaine, si je n’avais eu, enfant, mon premier coup de cœur pour la mythologie. Dans l’univers clos mais cloisonné de l’enfance, séparé du reste du monde par des barrières bâties par ces géants que semblent les adultes, la mythologie était un espace commun partagé entre petits et grands. Que les grands y redeviennent petits ou les petits grands, qu’importe ! Tout le monde y est à égalité, et c’est là sans doute le premier miracle de la mythologie : même les plus savants y trouvent toujours une chose à apprendre, si bien que face à elle nous sommes tous, toujours, des néophytes, affinant grâce à elle la curiosité et la modestie intellectuelles.
À 15, 30, 45 ans, j’ai aimé la mythologie pour d’autres raisons et d’une autre manière, mais je l’ai toujours aimée ; et gageons qu’à 60 ou 85 ans, quand je serai bien vieille au coin de la chandelle, j’y verrai autre chose (si j’y vois encore). Au fur et à mesure de la croissance, du développement puis du vieillissement de chacun, la mythologie offre un condensé de questionnements et une pléthore de réponses, non seulement variées mais sans jugement de valeur : libre à chacun d’écouter la voix d’Ulysse, des Sirènes ou de Circé, de prendre pour modèle voire pour anti-modèle Artémis ou Aphrodite, de se retrouver dans les larmes de Déméter ou les extases de Dionysos. Cette vérité à l’échelle du microcosme d’un individu se répercute à l’échelle de l’histoire. Chaque siècle a ses mythes, dont elle s’empare, non sans barbarie parfois. Narcisse contemple son image métamorphosée par Caravage, Dali et Freud ; Antigone devient un quartier de pierre blanche dans l’imaginaire d’un architecte ou une activiste révoltée sur la scène du XXe siècle : libre à chacun et à chaque époque d’en faire son miel, à son gré. Le deuxième miracle de la mythologie est celui de la liberté de créer et de se créer.
Dans ce miroir magique se lisent sans autre filtre que ceux du temps et de la poésie les interrogations, les peurs et les espérances qui sont celles de la vie, depuis la première femme jusqu’au dernier homme, car la mythologie constitue selon l’expression toujours si juste de Marguerite Yourcenar « le langage universel » de l’Occident. La belle histoire de Daphné nous permet de fraterniser autant avec la plante à laquelle elle a donné son nom, le laurier, qu’avec les passionnés d’Ovide, les admirateurs du Bernin ou les lecteurs de bande dessinées. La mythologie est notre espéranto, notre espoir. Nous unissant à travers le temps et l’espace, elle nous donne une leçon miraculeuse de liberté, d’égalité et de fraternité.