Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
L’anecdote du musicien Arion sauvé miraculeusement par un dauphin a connu un grand succès dans la littérature antique. Hérodote, que cite Aulu-Gelle dans ce passage des Nuits attiques, mais aussi Fronton, Ovide, Plutarque ou Pline lui consacrent des développements plus ou moins importants.
Vetus et nobilis Ario cantator fidibus fuit. Is loco et oppido Methymnaeus, terra atque insula omni Lesbius fuit. Eum Arionem rex Corinthi Periander amicum amatumque habuit artis gratia. Is inde a rege proficiscitur, terras inclytas Siciliam atque Italiam visere. Ubi eo venit, auresque omnium mentesque in utriusque terrae urbibus demulsit, in quaestibus istic et voluptatibus amoribusque hominum fuit. Is tum postea, grandi pecunia et re bona multa copiosus, Corinthum instituit redire. Navem igitur et nautas, ut notiores amicioresque sibi, Corinthios delegit. Sed eo Corinthios homine accepto, navique in altum provecta, praedae pecuniaeque cupidos, cepisse consilium de necando Arione. Tum illum ibi, pernicie intellecta, pecuniam ceteraque sua, ut haberent, dedisse : vitam modo sibi ut parcerent, oravisse. Nautas precum eius harum commiseritum esse illactenus, ut ei necem afferre per vim suis manibus temperarent ; sed imperavisse ut iam statim coram desiliret praeceps in mare. Homo, inquit, ibi territus, spe omni vitae perdita, id unum postea oravit ut, prius quam mortem oppeteret, induere permitterent sua sibi omnia indumenta, et fides capere, et canere carmen casus illius sui consolabile. Feros et immanes nautas prolubium tum audiendi subit. Quod oraverat, impetrat. Atque ibi mox de more cinctus, amictus, ornatus, stansque in summae puppis foro, carmen, quod orthium dicitur, voce sublatissima cantavit. Ad postrema cantus, cum fidibus ornatuque omni, sicut stabat canebatque, iecit sese procul in profundum. Nautae, haudquaquam dubitantes, quin perisset, cursum, quem facere coeperant, tenuerunt. Sed novum et mirum et pium facinus contigit. Delphinum repente inter undas adnavisse, fluitantique sese homini subdidisse, et dorso super fluctus edito vectavisse ; incolumique eum corpore et ornatu Taenarum in terram Laconicam devexisse.
Arion fut un joueur de lyre ancien et célèbre. De Méthymne pour le lieu et la ville, il était pour le pays et l'ensemble de l'île, de Lesbos. Le roi de Corinthe Périandre eut cet Arion comme ami et aimé en raison de son art. Ensuite Arion quitte le roi pour visiter des terres illustres, la Sicile et l'Italie. Quant il fut arrivé là, il charma les oreilles et les esprits de tous dans les villes de ces deux pays, il gagna de l'argent et la sympathie des gens par le plaisir. Alors par la suite, nanti d’une fortune immense et de biens en grand nombre, il décida de revenir à Corinthe. Il choisit donc un bateau et des marins de Corinthe comme plus connus et plus liés d’amitié avec lui. Mais ces Corinthiens l’ayant reçu à bord, le bateau une fois en haute mer, avides de butin et d’argent, avaient pris la décision de tuer Arion. Alors lui, comprenant que c’était là sa perte, leur avait donné son argent et le reste de ce qu’il avait en toute propriété, et leur avait demandé d’épargner seulement sa vie. L’ardeur de ses prières leur avait fait pitié seulement au point qu’ils avaient renoncé à lui donner la mort par violence de leurs propres mains, mais ils lui avaient commandé de sauter aussitôt dans la mer la tête la première. « L’homme, dit-il, alors terrifié, ayant perdu tout espoir de survivre, leur demande seulement, après cela, de lui permettre, avant d’affronter la mort, de revêtir toute sa tenue, de prendre sa lyre et de jouer un chant capable d’apporter consolation à son malheur. Les marins sauvages et cruels furent pris de l’envie d’écouter : il obtint ce qu’il avait demandé. Et là ensuite, ceint, vêtu et paré selon la tradition, debout sur la plate-forme de la poupe, il chanta le chant qu’on appelle orthius de sa voix la plus haute. À la fin du chant, avec sa lyre et tous ses vêtements, dans la tenue où il était pour chanter, il se jeta au loin dans la mer profonde. Les marins, ne doutant nullement qu’il eût péri, continuèrent la course qu’ils avaient commencé à faire. Mais il arriva un fait extraordinaire, étonnant et juste. » Un dauphin soudain s’était approché en nageant au milieu des eaux, s’était placé sous le corps de l’homme qui flottait et, élevant le dos au-dessus des flots, il l’avait transporté, corps et costume intacts, à Ténare en Laconie.
Aulu-Gelle, Nuits attiques, XVI, 19, 2-16