Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
Le livre 53 de l’Histoire romaine de Cassius Dion s’achève sur une énumération de faits prodigieux : « un loup fut capturé dans Rome, un incendie et une tempête ravagèrent de nombreuses constructions, et le Tibre déborda, emporta le pont de bois, et la ville fut inondée trois jours durant ». Pourtant, ce n’est pas là qu’on trouvera le fait le plus extraordinaire du livre 53 consacré aux années 28 à 23 av. J.-C. Quelque chose se produisit en effet en 27, un événement qualifié d’« incroyable » par son auteur lui-même. Nous sommes en janvier 27, Rome a retrouvé la paix et la stabilité. Auguste est consul pour la septième fois depuis peu quand il prend la parole devant le Sénat. Dion rapporte alors ce qu’ont pu être ses paroles. L’exorde est un modèle de captatio : « Certains d’entre vous, Pères, je le sais bien, vont trouver ma décision incroyable : vous tous, dans l’auditoire, vous refusez de croire un homme qui prétend faire une chose qu’aucun d’entre vous ne voudrait faire […]. Je sais aussi que ceux qui disent des choses invraisemblables n’arrivent à convaincre personne. […] Non si vraiment j’avais promis quelque chose de si invraisemblable que je n’aurais pas été près de le faire immédiatement, j’aurais considérablement hésité avant d’en parler » (53.3.1-3). Quelle est donc cette chose « invraisemblable » que pourtant Auguste va mettre en œuvre ? Le discours se poursuit, multipliant les éléments dilatoires, avant de parvenir à l’annonce, fracassante : « Je renonce à l’intégralité de mon pouvoir et je remets absolument tout entre vos mains » (53.4.3). Pourquoi parler de prodige ici ? Pour deux raisons. D’une, Auguste, dans ce pseudo-discours de renoncement au pouvoir, parle d’une chose « surprenante » voire « insensée » (53.6.1-2) pour caractériser son geste. Cette action est si extraordinaire qu’elle dépasse, selon lui, les prodiges traditionnels des Coclès, Scaevola et Decii (53.8.3) et fait de lui un être « plus divin » (53.8.1) et « plus qu’humain » (53.7.3). De deux, Dion, en rapportant les réactions pour le moins surprises et contraires des sénateurs (53.11.1-4) associées à la conséquence (attendue ?) du discours, c’est-à-dire le renforcement des pouvoirs d’Auguste et l’établissement de l’Empire, fait de ce geste étonnant l’acte de naissance d’un régime non moins étonnant dans la mesure où, monstre né des tabous de la République et des ambitions d’un homme, il survécut à son fondateur et s’installa pour plusieurs siècles.