Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
Dans son églogue (poème à sujet pastoral) dite « messianique » en raison de la lecture annonciatrice de la venue du Christ qui a pu en être faite, le poète Virgile, dont les chants ont ravi l’empereur Auguste, prédit l’arrivée sur la terre d’un enfant marquant le retour de l’âge d’or. Selon le « mythe des races » tel qu’il est exposé par Hésiode dans Les Travaux et les Jours, à la race de fer qui est la nôtre succédera de nouveau la race d’or, laquelle prospérera parmi les volutes d’une végétation luxuriante, dans l’épanouissement de la vie.
Sicelides Musae, paulo maiora canamus.
Non omnis arbusta iuuant humilesque myricae ;
si canimus siluas, siluae sint consule dignae.
Vltima Cumaei uenit iam carminis aetas ;
magnus ab integro saeclorum nascitur ordo.
Iam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna,
iam noua progenies caelo demittitur alto.
Tu modo nascenti puero, quo ferrea primum
desinet ac toto surget gens aurea mundo,
casta faue Lucina ; tuus iam regnat Apollo.
Teque adeo decus hoc aeui, te consule, inibit,
Pollio, et incipient magni procedere menses;
te duce, si qua manent sceleris uestigia nostri,
inrita perpetua soluent formidine terras.
Ille deum uitam accipiet diuisque uidebit
permixtos heroas et ipse uidebitur illis
pacatumque reget patriis uirtutibus orbem.
At tibi prima, puer, nullo munuscula cultu
errantis hederas passim cum baccare tellus
mixtaque ridenti colocasia fundet acantho.
Ipsae lacte domum referent distenta capellae
ubera nec magnos metuent armenta leones ;
ipsa tibi blandos fundent cunabula flores.
Occidet et serpens et fallax herba ueneni
occidet ; Assyrium uulgo nascetur amomum.
Muses siciliennes, chantons un peu plus haut ! :
vergers et petits myrtes à tous n’agréent pas.
Si nous chantons les bois, les bois soient dignes du consul !
Voici venir l’âge ultime de la prophétie cuméenne,
le grand ordre des siècles tout entier renaît.
Voici venir la Vierge encore, revient le règne de Saturne,
voici qu’une génération nouvelle est envoyée du haut du ciel.
Toi, seulement, à la naissance de l’enfant par qui, pour la première fois, la race
de fer cessera et par l’orbe entier se lèvera une race d’or,
sois, chaste Lucine, favorable ! Voici, règne Apollon qui est tien !
Et toi, la gloire de cette ère, sous ton consulat juste s’ouvrira,
Pollion, et commenceront à dérouler les grands mois
sous ta guide. Si quelque trace de notre crime demeure,
que, rendue vaine, de la peur elle libère la terre pour l’éternité !
Lui recevra la vie qui est celle des dieux, aux dieux il verra
les héros mêlés, lui-même se verra à eux mêlé,
et il gouvernera la terre pacifiée par les vertus de ses pères.
Mais à toi, pour petits cadeaux premiers, enfant, sans culture aucune,
lierres çà et là vaguant avec le nard sauvage, la terre
les prodiguera, les nénuphars mêlés à l’acanthe épanouie.
D’elles-mêmes au logis les chevrettes ramèneront gonflés,
leurs pis et le bétail n’aura peur des grands lions,
de soi ton berceau te prodiguera des fleurs charmantes,
périra le serpent, l’herbe aux poisons trompeuse
périra. L’amome d’Assyrie communément poussera.
VIRGILE, Bucoliques, IV, 1-25
Comentario, Les Belles Lettres,
ed. Eugène de Saint-Denis et trad. Anne Videau