Traversez le mois de décembre avec les miracles des Anciens et des Modernes !
Du 1er au 24 décembre, découvrez chaque jour un extrait miraculeux d’un auteur antique ou un texte original d’un philologue moderne.
À une époque où le monstrueux est souvent imputé à une cause surnaturelle, Cicéron, dans ce passage de sont traité sur la divination, défend l’idée que les prodiges n’existent pas et que l’événement irrationnel possède une origine naturelle. Dans une attitude éclairée, il tente de chasser la frayeur qu’inspire l’insolite.
60 An uero illa nos terrent, si quando aliqua portentosa aut ex pecude aut ex homine nata dicuntur ? Quorum omnium, ne sim longior, una ratio est. Quicquid enim oritur, qualecumque est, causam habeat a natura necesse est, ut, etiamsi praeter consuetudinem extiterit, praeter naturam tamen non possit existere. Causam igitur inuestigato in re noua atque admirabili, si poteris ; si nullam reperies, illud tamen exploratum habeto nihil fieri potuisse sine causa, eumque terrorem, quem tibi rei nouitas attulerit, naturae ratione depellito. Ita te nec terrae fremitus nec caeli discessus nec lapideus aut sanguineus imber nec traiectio stellae nec faces uisae terrebunt. 61 Quarum <rerum> omnium causas si a Chrysippo quaeram, ipse ille diuinationis auctor numquam illa dicet facta fortuito naturalemque rationem omnium reddet ; nihil enim fieri sine causa potest ; nec quicquam fit quod fieri non potest ; nec, si id factum est quod potuit fieri, portentum debet uideri ; nulla igitur portenta sunt. Nam si, quod raro fit, id portentum putandum est, sapientem esse portentum est ; saepius enim mulam peperisse arbitror quam sapientem fuisse. Illa igitur ratio concluditur : nec id quod non potuerit fieri factum umquam esse, nec, quod potuerit, id portentum esse ; ita omnino nullum esse portentum. 62 Quod etiam coniector quidam et interpres portentorum non inscite respondisse dicitur ei qui [cum] ad eum rettulisset quasi ostentum quod anguis domi uectem circumiectus fuisset : « Tum esset, inquit, ostentum, si anguem uectis circumplicauisset ». Hoc ille responso satis aperte declarauit nihil habendum esse, quod fieri posset, ostentum.
60 Est-ce que vraiment nous serons effrayés si d’aventure on annonce quelque naissance monstrueuse, chez l’animal ou chez l’homme ? Tous ces faits, pour être bref, relèvent d’un même raisonnement. Tout être qui naît, quel qu’il soit, a nécessairement une cause naturelle, si bien que, même s’il apparaît contrairement à l’habitude, pourtant il ne peut apparaître contrairement à la nature. À l’occasion d’un fait nouveau et surprenant, tu chercheras donc la cause, si tu le peux ; si tu n’en trouves aucune, tu tiendras néanmoins pour assuré que rien n’a pu avoir lieu sans cause, et la terreur que t’aura inspirée la nouveauté du phénomène, tu la chasseras grâce à une explication naturelle. Ainsi ni les grondements du sol, ni les déchirures du ciel, ni les pluies de pierre ou de sang, ni la trajectoire d’un astre, ni le spectacle des « torches » ne te causeront d’effroi. 61 Si je demande à Chrysippe la cause de tous ces phénomènes, ce défenseur de la divination lui-même ne dira jamais qu’ils ont eu lieu fortuitement et il donnera de tous une explication naturelle ; rien en effet ne peut se produire sans cause ; et rien n’a lieu qui ne puisse avoir lieu ; s’il s’est produit une chose qui pouvait se produire, elle ne doit pas apparaître comme un prodige ; il n’y a donc pas de prodige. De fait, s’il faut considérer comme un prodige ce qui arrive rarement, c’est le fait d’être sage qui est un prodige ; car, à mon avis, la mise bas d’une mule est chose plus courante que l’apparition d’un sage. Le raisonnement est donc le suivant : ce qui ne pouvait pas se produire ne s’est jamais produit, et ce qui pouvait se produire n’est pas un prodige ; ainsi il n’y a absolument aucun prodige. 62 C’est aussi ce que, dit-on, un certain devin et interprète des signes répondit, non sans finesse, à un homme qui lui avait rapporté comme un prodige le fait que chez lui un serpent s’était enroulé autour d’une barre de porte : « Il y aurait eu prodige, lui dit-il, si la barre de porte s’était entortillée autour du serpent ». Par cette réponse, il a bien clairement montré que rien de ce qui peut avoir lieu ne doit être tenu pour un prodige.
CICÉRON, De la divination, II, 60-62
C.U.F., Les Belles Lettres,
ed. et trad. François Guillaumont