Traversez le mois de décembre avec les Anciens !
Du 1ᵉʳ au 24 décembre, laissez-vous emporter par la sagesse intemporelle des textes antiques. Chaque jour, découvrez une citation bilingue, soigneusement sélectionnée et traduite, accompagnée d’un éclairage unique par celles et ceux qui font et qui transmettent l'Antiquité aujourd'hui.
… σέϐας δὲ μηρῶν <ἁγνὸν> οὐ κατῃδέσω,
ὦ δυσχάριστε τῶν πυκνῶν φιλημάτων.
« … tu n’as pas respecté la pureté <sacrée> de tes cuisses,
ingrat qui as oublié nos innombrables baisers. »
(Eschyle, Myrmidons, fr. 135 Radt ; trad. Robert Flacelière)
Ces mots d’Achille, arrachés à sa douleur, illuminent les Myrmidons d’une tendresse brutale et désarmante. Dans cette réplique fragmentaire d’une tragédie perdue, le héros invincible dévoile une blessure intime : Patrocle, son ombre et son double, est mort, emportant avec lui la chaleur de leur lien. Les « innombrables baisers » évoqués ici ne sont pas seulement une caresse du souvenir, mais le sceau d’une complicité à jamais brisée.
À travers ce reproche, Eschyle dépasse la geste épique pour entrer dans le domaine de l’humain. L’amour, qu’il soit fraternel ou charnel, devient l’ultime fragilité du guerrier. Le poète saisit ainsi l’éternel paradoxe d’Achille : l’homme le plus puissant du champ de bataille est terrassé par la perte de celui qu’il aimait.
Ces vers nous touchent aujourd'hui par leur modernité et résonnent comme une célébration des liens humains, au-delà des étiquettes. Ils disent la mémoire d’une intimité, l’irrémédiable absence et la colère désespérée d’un cœur trahi par le destin. En quelques mots, le poète esquisse une fresque des émotions humaines qui, à travers les âges, continue de vibrer.
Suivez chaque semaine les aventures de Patrocle en grec ancien grâce à l'atelier d'écriture Grapsômen diffusé en live sur YouTube.