Lettres Classiques estivales – Ovide (Jour 5)

12 juillet 2024
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Image : Lettres Classiques estivales - Ovide
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Pour échanger des nouvelles, les Anciens ne disposaient ni de réseaux sociaux, ni de cartes postales, mais ils pouvaient s’envoyer des lettres longues et travaillées dont certaines sont des chefs d’œuvre de simplicité et de sincérité. Tout au long de l’été, nous vous en proposons une sélection qui changera votre regard sur le quotidien des Anciens et, nous l’espérons, vous donnera envie d’écrire et de partager vos souvenirs de vacances avec ceux qui vous sont chers.

Sélection par Laure de Chantal, Dorian Flores et Dorian Furet

 

Ovide (43 av. J.-C. - c. 18 apr. J.-C.), le plus grec des poètes latins, vouait un amour privilégié à la poétesse grecque Sappho avec qui il partageait le culte de Vénus et l’inspiration érotique. Virtuose et prolifique, Ovide s’est passionné pour tous les genres dont le genre épistolaire. Les Héroides, commencées à l’âge de dix-huit ans et qu’il poursuivit toute sa vie, imaginent les lettres d’amour écrites par les héroïnes de la mythologie à leurs amants, de Pénélope à Didon, en passant par Sappho qui fait une fois de plus exception puisqu’elle est la seule ayant réellement existé (encore qu’à l’époque d’Ovide elle était déjà considérée comme la Xe Muse). Elle s’adresse ici au passeur Phaon pour l'amour de qui elle est sur le point de se suicider.

 

(passage précédent)

Lesbiennes, de qui l’amour a fait mon déshonneur, troupe de mes compagnes, cessez d’accourir à mes chants. Phaon a tout emporté de ce qui naguère vous charmait. Malheureuse ! j’étais tout près de dire : il est à moi. Faites qu’il revienne ; avec lui reviendra votre poétesse. C’est lui qui donne des forces à mon génie, lui qui les enlève.

À quoi bon supplier ? Est-ce qu’un cœur sauvage s’émeut ? N’est-il pas insensible ? et les zéphyrs n’emportent-ils pas ces mots superflus ? Eux qui emportent ma voix, je voudrais qu’ils ramenassent tes voiles ! Si tu étais sage, ô retardataire, voilà l’œuvre qui te convenait. Délie ton vaisseau ; Vénus, née de la mer, offre la mer aux amants ; la brise favorisera ta course ; délie seulement ton vaisseau. Assis à la poupe, Cupidon lui-même tiendra le gouvernail ; lui-même, de sa tendre main, donnera la voile ou la repliera. Te plaît-il, au contraire, de fuir bien loin Sapho la Pélasgienne – tu ne saurais trouver cependant un motif pour justifier ta fuite –, qu’au moins une lettre cruelle le dise à mon infortune, pour que j’aille chercher mon destin dans les ondes de Leucade.

Ovide, Héroïdes, XV, 201-220,
« Classiques en poche », Les Belles Lettres,
trad. Marcel Prévost