Lettres Classiques estivales – Pline le Jeune (Jour 1)

12 août 2024
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Image : L'été postal - Pline le Jeune
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Pour échanger des nouvelles, les Anciens ne disposaient ni de réseaux sociaux, ni de cartes postales, mais ils pouvaient s’envoyer des lettres longues et travaillées dont certaines sont des chefs d’œuvre de simplicité et de sincérité. Tout au long de l’été, nous vous en proposons une sélection qui changera votre regard sur le quotidien des Anciens et, nous l’espérons, vous donnera envie d’écrire et de partager vos souvenirs de vacances avec ceux qui vous sont chers.

Sélection par Laure de Chantal, Dorian Flores et Dorian Furet

 

Pline le Jeune, avocat et homme politique romain du Ier et du début du IIe siècle de notre ère, neveu du célèbre naturaliste qui périt dans l’éruption du Vésuve, est l’auteur qui nous a le plus renseigné sur la vie durant l’Empire romain à travers dix livres de correspondances, dont un livre entièrement dédié à ses échanges de lettres avec l’Empereur Trajan. À travers cette correspondance, qu’il retravaillait avant de la faire publier, sans doute afin de laisser à la postérité un portrait vénérable de lui, Pline décrit notamment sa dernière femme, Calpurnia, comme un modèle de parfaite épouse, intelligente, fidèle et dévouée. Ces quelques lettres d’un époux à sa bien-aimée, ou au sujet de celle-ci, sont le témoin d’un amour qui, bien que peut-être quelque peu magnifié, n’en fut certainement pas moins sincère.

 

Pline à sa chère Calpurnia

Jamais je n’ai plus vivement déploré mes obligations, qui ne m’ont permis ni de t’accompagner lorsque tu es partie en convalescence en Campanie, ni de te rejoindre aussitôt après ton départ. Car c’est surtout maintenant que je désire être avec toi, pour ne me fier qu’à mes yeux et voir si tu retrouves tes forces, ta précieuse santé, si enfin tu supportes sans dommage les plaisirs d’un séjour à la campagne et l’opulence de la région. D’ailleurs, serais-tu même bien portante, je ne laisserais pas d’être inquiet et de ressentir ton absence. Car rester parfois sans nouvelle de quelqu’un qu’on aime passionnément cause inquiétude et anxiété. Et aujourd’hui, quand je songe à la fois à ton absence et à ta maladie, plein d’une appréhension indéfinie et variable, je vis dans la terreur. J’ai toutes sortes de craintes, toutes sortes de visions, et, ce qui est la caractéristique naturelle de la peur, j’imagine avant tout ce que je redoute avant tout. Voilà pourquoi je n’en insiste que davantage et te supplie de penser à mon angoisse en m’envoyant chaque jour une ou même deux lettres. Car je serai plus tranquille en les lisant et retomberai dans l’angoisse aussitôt après les avoir lues. Au revoir.

(lettre suivante)

Pline le Jeune, Lettres, VI, 4,
« C.U.F. - série latine », Les Belles Lettres,
trad. Nicole Méthy