Pour échanger des nouvelles, les Anciens ne disposaient ni de réseaux sociaux, ni de cartes postales, mais ils pouvaient s’envoyer des lettres longues et travaillées dont certaines sont des chefs d’œuvre de simplicité et de sincérité. Tout au long de l’été, nous vous en proposons une sélection qui changera votre regard sur le quotidien des Anciens et, nous l’espérons, vous donnera envie d’écrire et de partager vos souvenirs de vacances avec ceux qui vous sont chers.
Sélection par Laure de Chantal, Dorian Flores et Dorian Furet
Pline le Jeune, avocat et homme politique romain du Ier et du début du IIe siècle de notre ère, neveu du célèbre naturaliste qui périt dans l’éruption du Vésuve, est l’auteur qui nous a le plus renseigné sur la vie durant l’Empire romain à travers dix livres de correspondances, dont un livre entièrement dédié à ses échanges de lettres avec l’Empereur Trajan. À travers cette correspondance, qu’il retravaillait avant de la faire publier, sans doute afin de laisser à la postérité un portrait vénérable de lui, Pline décrit notamment sa dernière femme, Calpurnia, comme un modèle de parfaite épouse, intelligente, fidèle et dévouée. Ces quelques lettres d’un époux à sa bien-aimée, ou au sujet de celle-ci, sont le témoin d’un amour qui, bien que peut-être quelque peu magnifié, n’en fut certainement pas moins sincère.
Pline à l’empereur Trajan
Jusqu’à maintenant, sire, je n’ai accordé de laissez-passer à personne ni donné d’ordre de mission pour d’autre objet que ton service. Mais ce principe indéfectible qui est le mien s’est trouvé mis à mal par ce que j’appellerais une obligation. Ma femme, après avoir appris la mort de son grand-père, voulait se rendre en toute hâte auprès de sa tante et j’ai pensé qu’il y aurait de la cruauté à le lui refuser, quand la gratitude suscitée par ce genre de prévenance tient à sa rapidité et que je savais que tu approuverais l’organisation d’un voyage qui avait pour justification le sens de la famille.
Je t’informe par lettre de ma démarche parce qu’il me semble qu’il y aurait de ma part bien peu de gratitude à cacher qu’après d’autres bienfaits je dois aussi à ta bienveillance une faveur unique, celle d’avoir eu confiance en toi au point de n’avoir pas hésité à faire, comme si je t’avais consulté, ce que j’aurais fait trop tard si je t’avais consulté.
Trajan à Pline
Tu as eu raison, mon très cher Secundus, d’avoir fait confiance à mes sentiments. Il n’y avait pas à se demander, en attendant de me consulter, s’il fallait faciliter le voyage de ta femme avec les laissez-passer que je t’ai donnés pour ton service, quand, auprès de sa tante, ta femme se devait d’ajouter par sa rapidité à la gratitude suscitée par son arrivée.
Pline le Jeune, Lettres, X, 120 & 121,
« C.U.F. - série latine », Les Belles Lettres,
trad. Nicole Méthy