Redécouvrez, tout au long du mois de l'été, les mille et une facettes de l’œuvre merveilleuse du poète latin Ovide, au travers de quinze textes spécialement sélectionnés pour vous, Amis des Classiques : nature, femmes et amours sont au rendez-vous !
Ovide écrit ce poème pendant une tempête d’hiver, en octobre, alors qu’il a quitté l’Italie pour l’Illyrie (une région balkanique) afin d’y être exilé. Son inexpérience maritime lui fait croire que le pilote ne maîtrise plus rien alors qu’il s’est au contraire sagement mis en allure de fuite.
Tinguitur oceano custos Erymanthidos ursae,
Aequoreasque suo sidere turbat aquas ;
Nos tamen Ionium non nostra findimus aequor
Sponte, sed audaces cogimur esse metu.
Me miserum ! Quantis increscunt aequora uentis,
Erutaque ex imis feruet arena uadis !
Monte nec inferior prorae puppiue recuruae
Insilit et pictos uerberat unda deos.
Pinea texta sonant, pulsi stridore rudentes,
Ingemit et nostris ipsa carina malis.
Nauita confessus gelidum pallore timorem,
Iam sequitur uictus, non regit arte ratem
Vtque parum ualidus non proficientia rector
Ceruicis rigidae frena remittit equo,
Sic, non quo uoluit, sed quo rapit impetus undae,
Aurigam uideo uela dedisse rati.
Quod nisi mutatas emiserit Aeolus auras,
In loca iam nobis non adeunda ferar ;
Nam procul Illyriis laeua de parte relictis
Interdicta mihi cernitur Italia.
Desinat in uetitas, quaeso, contendere terras,
Et mecum magno pareat aura deo !
Dum loquor, et timeo pariter cupioque repelli,
Increpuit quantis uiribus unda latus !
Parcite, caerulei, uos parcite, numina ponti,
Infestumque mihi sit satis esse Iouem !
Vos animam saeuae fessam subducite morti,
Si modo, qui periit, non periisse potest.
Le gardien de l’Ourse d’Érymanthe se plonge dans l’océan et trouble de son astre les ondes marines. Nous, cependant, nous fendons malgré nous la mer Ionienne, mais c’est la crainte qui nous force à l’audace.
Malheureux que je suis ! Quels vents furieux enflent les vagues ! Le sable, arraché au fond de la mer, bouillonne. Haute comme une montagne, l’onde assaille la proue et la poupe arrondie et frappe l’image des dieux. L’assemblage de pin résonne, les cordages fouettés grincent, et la carène elle-même gémit de nos malheurs. Le pilote, dont la pâleur trahit l’effroi qui le glace, vaincu, s’abandonne au navire que son art ne dirige plus. Comme un écuyer trop faible laisse flotter les inutiles rênes quand le cheval se cabre, ainsi je vois le pilote lâcher la voile au navire et aller non où il veut, mais où l’entraîne l’impétuosité des flots. Si Éole ne laisse pas sortir d’autres vents, je vais être entraîné vers des lieux où je ne dois pas aborder ; car, laissant sur la gauche au loin l’Illyrie, je vois l’Italie qui m’est interdite. Ô vent, cesse, je t’en prie, de souffler vers des terres défendues et obéis avec moi à un dieu puissant. Tandis que je parle, partagé entre la crainte et le désir de m’éloigner, avec quelle violence l’onde a fait craquer les flancs du vaisseau ! Grâce, grâce, divinités de la mer azurée ! Qu’il me suffise d’encourir la haine de Jupiter ! Vous, arrachez à une fin cruelle un être épuisé, si du moins qui est déjà mort peut ne pas mourir !
Ovide, Tristes, I, 4
C.U.F., Les Belles Lettres
ed. et trad. Jacques André