Redécouvrez, tout au long du mois de l'été, les mille et une facettes de l’œuvre merveilleuse du poète latin Ovide, au travers de quinze textes spécialement sélectionnés pour vous, Amis des Classiques : nature, femmes et amours sont au rendez-vous !
Pays maritimes, la Grèce et l’Italie regorgent de poissons, à tel point que les poètes écrivaient en vers des traités de pêche, comme Ovide dans les Halieutiques.
Discripsit sedes uarie natura profundi
nec cunctos una voluit consistere pisces.
Nam gaudent pelago quales scombrique bouesque,
hippuri celeres et nigro tergore milui
et pretiosus elops nostris incognitus undis
ac durus xiphias ictu non mitior ensis
et pauidi magno fugientes agmine thunni,
parua echenais - at est, mirum, mora puppibus ingens -
tuque, comes ratium tractique per aequora sulci
qui semper spumas sequeris, pompile, nitentes,
cercyrosque ferox scopulorum fine moratus,
cantharus ingratus suco ; tum concolor illi
orphos caeruleaque rubens erythinus in unda,
insignis sargusque notis, insignis iulis
et super aurata sparulus ceruice refulgens
et rutilus phager et fului synodontes et ex se
concipiens channe gemino sibi functa parente,
tum uiridis squamis, paruo saxatilis ore
et rarus faber et pictae mormyres et auri
chrysophrys imitata decus, tum corporis umbrae
liuentis rapidique lupi percaeque tragique,
quin laude insignis caudae melanurus et ardens
auratis muraena notis merulaeque uirentes
inmitisque suae conger per uolnera gentis
et captitis duro nociturus scorpius ictu
ac numquam aestiuo conspectus sidere glaucus.
At contra herbosa pisces laetantur harena,
ut scarus, epastas solus qui ruminat escas,
fecundumque genus maenae lamirosque smarisque
atque immunda chromis, merito uilissima salpa
atque auium dulces nidos imitata sub undis
et squamas tenui subfusus sanguine mullus,
fulgentes soleae candore et concolor illis
passer et Hadriaco mirandus litore rhombus,
tum epodes lati, tum molles tergore ranae extremi …
La Nature a varié la disposition des étendues sous-marines, et elle n’a pas voulu confiner tous les poissons au même endroit.
C’est ainsi que les uns aiment la haute mer comme les maquereaux, les bœufs, les hippures rapides, les milans au dos noir, le précieux hélops inconnu dans nos eaux, l’espadon cruel qui frappe aussi dur qu’une épée, les thons peureux qui fuient en troupe nombreuse, la petite échénéis – capable pourtant, ô merveille ! d’imposer aux navires un retard considérable –, et toi, pompile, compagnon des vaisseaux, qui suis toujours le sillage d’écume brillante qu’ils tracent à travers les plaines liquides, le cercyre farouche qui se tient en bordure des rochers, le canthare désagréable au « goût, et puis le mérou qui est de même couleur et l’érythin écarlate dans l’onde bleue, le sargue marqué de taches, la girelle tachetée, le sparaillon dont la nuque dorée resplendit, le pagre vermeil, les fauves synodons, le serran qui se féconde lui-même grâce à sa double fonction génératrice, et puis le saxatile aux écailles vertes, à la bouche petite, la dorée poisson rare, les mormes bigarrées, la daurade qui imite l’éclat de l’or, et puis les ombrines au corps sombre, les loups rapides, les perches, les mendoles, et encore l’oblade remarquable par l’éclat de sa queue, la murène illuminée de taches dorées, les merles verdâtres, le congre qui blesse cruellement ses congénères, le scorpion capable de faire du mal par un rude coup de sa tête, et le bleu qui ne se montre jamais lors de la canicule.
Au contraire des poissons aiment le sable couvert d’herbes, comme le scare, qui seul rumine les èches qu’il a dévorées, les mendoles prolifiques, le lamire, le picarel, l’immonde chromis, la saupe justement méprisée, le poisson qui construit sous les eaux des nids douillets ressemblant à ceux des oiseaux, le surmulet dont les écailles sont légèrement teintées de sang, les soles éclatantes de blancheur, la plie qui est de même couleur, le turbot qu’on peut admirer sur la côte de l’Adriatique, et puis les larges épodes, et puis les baudroies au dos mou, enfin […] le boulereau dont l’épine est inoffensive, le calmar qui porte une humeur noire dans son corps de neige, les porcs agressifs, la crevette arquée, l’aselle qui ne mérite pas un nom si infamant, et toi, esturgeon, fameux habitant des eaux étrangères…
Ovide, Halieutiques, v. 92-134,
C.U.F., Les Belles Lettres,
ed. et trad. Eugène de Saint-Denis.