À l’occasion de la parution, aux éditions Les Belles Lettres, de Un été de culture G pour toute la vie, le dernier ouvrage de Florence Braunstein et Jean-François Pépin, nous vous proposons cette semaine d’en lire quelques belles pages. Découvrez aujourd’hui un extrait du quatrième chapitre, intitulé « Les hommes et leur histoire », et plus spécifiquement de la troisième partie « Des palais et des hommes ».
De la splendeur à l’oubli
La légendaire Knossos s’étend sur la colline de Kefala, à environ 5 km d’Héraklion, en Crète. Les lieux, propices à l’installation des groupes humains, avec la toute proche rivière Kairatos, sont occupés dès le Néolithique, l’existence de Knossos est attestée déjà au XIVe siècle avant notre ère.
Elle est le centre politique, économique, culturel, de la civilisation minoenne, depuis l’époque palatiale ancienne (XIXe-XVIIe siècle av. J.-C.), jusqu’à l’apogée du palais nouveau, entre le XVIe et le XIVe siècle av. J.-C. La catastrophe de 1450 av. J.-C., tremblement de terre, raz-de-marée, éruption à Santorin, quelle qu’en soit la cause, ruine la civilisation minoenne. À l’abri de la côte, Knossos accueille les nouveaux maîtres : Mycéniens, Grecs de la période hellénistique, Romains.
À l’époque médiévale, elle sombre dans l’oubli, est redécouverte en 1878 par un antiquaire qui ne peut procéder à des fouilles d’ensemble. Il faut pour cela attendre les recherches conduites, entre 1900 et 1931, par Arthur Evans. Il procède à une reconstitution du palais, notamment de ses fresques, aujourd’hui fort discutée.
L’art consommé des fresques
Outre ses dimensions impressionnantes, il couvre plus de 20 000 m2, comprend environ 1 300 pièces reliées par d’innombrables couloirs, le palais de Knossos est un monde de couleur, de fresques éclatantes de vie. Dès l’entrée ouest, celle de la Procession représente de jeunes Minoens portant des vases à libations, puis la cour centrale conduit à la salle du trône, l’une des trois du palais, en fait, aux murs ornés de griffons. Le hall de procession abrite la figure du Prince aux lys, quand le mégaron de la reine, sa pièce principale, offre des dauphins bondissants. L’autre élément remarquable de décoration est constitué par les colonnes rouges, à la particularité d’un sommet plus large que la base. Centre du pouvoir, le palais fonctionne aussi comme un lieu de stockage des grains, de l’huile, conservés dans l’aile ouest à l’intérieur de grandes jarres de terre, les pithoi.
Du danger de devenir roi
Knossos est surtout connue par la mythologie, qui en fait la résidence du roi Minos. Ce dernier, fils de Zeus et de la princesse Europe, abandonnée par son amant divin sur l’île de Crète, en devient roi. Non sans peine, son frère Sarpédon lui dispute le trône. Pour montrer sa supériorité, Minos invoque Poséidon, qui fait jaillir des flots marins un taureau magnifique, à la robe d’une blancheur immaculée. Les Crétois, impressionnés, l’acclament comme souverain.
Et pourtant, ses ennuis commencent. Impressionné par la splendeur de l’animal, se souvenant peut-être que c’est sous la forme d’un taureau que Zeus séduisit sa mère, Minos lui épargne le sacrifice. Fatale erreur, Poséidon, furieux de n’avoir pas reçu son offrande, se venge : il provoque chez Pasiphaé, femme de Minos, une passion pour le taureau.
Les malheurs de Dédale
Pour satisfaire leurs amours, l’architecte Dédale réalise une vache de bois creuse, revêtue d’une peau véritable, à l’intérieur de laquelle se glisse Pasiphaé. Passé un moment de légitime surprise, le taureau l’honore. Il en naît quelque temps après Astérios, le Minotaure, au corps d’homme surmonté d’une tête de taureau.
Minos, accablé, veut cacher sa honte. Il s’adresse lui aussi à Dédale, qui construit à Knossos un labyrinthe, où l’on enferme le Minotaure et sa mère.
Tous les neuf ans, Athènes doit livrer sept jeunes gens et sept jeunes filles à Minos, offerts en sacrifice au Minotaure. Cette cruelle exigence prend fin quand le héros Thésée tue le monstre, aidé par Ariane, fille de Minos tombée éperdument amoureuse de lui, et sa pelote de laine destinée à retrouver la sortie du labyrinthe.
Dédale aurait également créé pour Minos son palais de Knossos. Le roi en est si satisfait qu’il ne veut pas que l’architecte puisse le reproduire pour un autre prince. Il l’enferme donc avec son fils, Icare, dans une tour.
Artiste autant qu’ingénieur, Dédale fabrique deux paires d’ailes, faites de bois garni de plumes collées à la cire. Père et fils s’élancent dans le ciel, mais l’imprudent Icare néglige le conseil paternel de ne pas s’approcher trop du soleil. La cire fond, il chute dans la mer Égée et s’y noie.
Et Minos ? Il entre dans l’éternité comme l’un des trois juges des Enfers, avec Rhadamanthe et Éaque.
Florence Braunstein et Jean-François Pépin, Un été de culture G pour toute la vie, p. 191-192,
Les Belles Lettres, 2023