Aïas / Ajax
Aïas (ou Ajax) est un soldat perdu. À Troie, Ulysse et les Atrides n’ont pas reconnu sa valeur : il a voulu les tuer pour venger son honneur, mais la déesse Athéna l’a rendu fou. Dans le prologue, Athéna montre sa folie à Ulysse terrorisé. Puis Sophocle met en scène son désespoir quand il revient à la raison. Pour restaurer son honneur, il ne voit qu’une solution : le suicide, malgré les objurgations du choeur de ses marins et de Tecmesse, sa compagne. Il en assure la réalisation par une feinte qui les trompe, et se donne la mort, seul, devant le public. Son cadavre est découvert par les siens, qui étaient partis en désordre à sa recherche, et par son demi-frère Teucros, arrivé trop tard. Celui-ci veut l’ensevelir malgré l’interdiction des Atrides. Il obtient l’appui inattendu d’Ulysse : on rend donc son honneur au héros, dont un convoi funèbre, accompagné par son jeune fils, emporte le corps.
Cette édition de la pièce de Sophocle propose un texte revu, une traduction nouvelle et un commentaire suivi, qui discute les nombreux problèmes qu’elle pose, en particulier pour sa mise en scène. L’introduction explique pourquoi est choisie ici la graphie Aïas, expose l’arrière-plan homérique et post-homérique du mythe, et l’importance du « héros » pour l’île d’Égine, l’île de Salamine et pour les Athéniens eux-mêmes. Elle analyse le rôle de la noblesse transmise par filiation patrilinéaire, même chez ceux qu’on traite de « bâtards », et la place laissée aux femmes. Cette terrifiante et pitoyable tragédie de l’honneur et de la mort, qui n’est pas, contrairement à d’autres pièces, encombrée par sa postérité, aide à comprendre le « personnage tragique » et « l’effet tragique » selon les Anciens, et pour Sophocle.
Texte établi par : Alphonse Dain, révisé par : Jean Irigoin, Paul Demont ; Introduction de : Paul Demont ; Traduit et commenté par : Paul Demont
Second des grands tragiques athéniens, Sophocle (497-405) connut toute sa vie un succès jamais démentit face à ses deux rivaux Eschyle et Euripide. Sur les 123 tragédies qu'on lui connaît il nous en reste 7. Homme d'une grande piété, on lui attribue un rôle important pour le culte d’Asclépios à Athènes. Il vécut une grande partie de sa vie sous l’impérialisme et le rayonnement de sa cité, participant comme stratège à l’expédition punitive contre Samos (440 av.) puis comme un des dix conseillers désignés après le fiasco de l’expédition de Sicile (415 av.).
Paul Demont est professeur de langue et littérature grecques à l'Université de Paris-Sorbonne (Paris-IV), où il dirige d'Institut d’Études grecques depuis 2002.