La Vie des Classiques vous offre un entretien exclusif avec Blandine Le Callet, auteur d'une encyclopédie intitulée Le monde antique de Harry Potter parue récemment chez Stock, et Valentine Le Callet qui en a réalisé les illustrations.
Comment vous présenter ?
Je suis maître de conférences à l’Université, où j’enseigne le latin et la culture de l’Antiquité.
Parallèlement à mon travail d’enseignant-chercheur, j’ai toujours eu à cœur de diffuser la culture et la littérature antiques auprès du grand public. C’est ce que qui m’a conduite à entreprendre la traduction des tragédies de Sénèque pour les éditions Gallimard, et à écrire le scénario de la série de bande dessinée Médée, parue chez Casterman (en collaboration avec l’illustratrice Nancy Peña). L’encyclopédie Le monde antique de Harry Potter s’inscrit dans la droite ligne de cette entreprise de vulgarisation de la culture antique.
En marge de ces activités, je suis également romancière. J’ai publié aux éditions Stock deux romans (Une pièce montée et La Ballade de Lila K) et un recueil de nouvelles (Dix rêves de pierre). Je suis ravie que Stock ait accepté de me suivre dans l’aventure de cette encyclopédie.
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Quelles ont été les rencontres déterminantes, de chair ou de papier, dans votre formation ? Qui a été votre Dumbledore ou votre professeur Rogue ?
À l’âge de sept ou huit ans, j’ai reçu en cadeau le livre de Michael Gibson adaptant les Métamorphoses d’Ovide, l’Iliade et l’Odyssée pour les enfants. J’ai été éblouie par le texte et par les magnifiques illustrations de Giovanni Caselli. C’est comme cela que je suis « entrée dans l’Antiquité », par le texte et l’image, et je n’ai depuis jamais cessé de cultiver cette double approche.
À dix-sept ans, j’ai découvert le De rerum natura de Lucrèce, et je me suis convertie à l’épicurisme.
En classe préparatoire, j’ai suivi les cours de philosophie de Bernard Sève, actuellement professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université de Lille. Ces cours m’ont marquée. Ils étaient brillants, une vraie démonstration que des pensées complexes et profondes peuvent être exposées de manière limpide. Bernard Sève nous offrait des clés pour déchiffrer les œuvres, nous engageait à lire les livres « qui rendent intelligent ». J’ai gardé tous ses cours, notamment un cours passionnant intitulé « Éthique de la physique antique » et un cours sur Nietzsche que je relis de temps en temps.
Quelle a été votre formation intellectuelle ?
Les livres sont, depuis toujours, les grands compagnons de ma vie. Ils m’ont aidée à traverser l’enfance et l’adolescence, que j’ai vécues comme des périodes de contrainte et d’ennui. Parallèlement, j’ai été nourrie de « culture pop » : les films d’Hitchcock, Sergio Leone, Coppola, Little Big Man d’Arthur Penn, des séries comme Columbo, Chapeau melon et bottes de cuir ou Les Mystères de l’Ouest, les albums de Comès ont marqué mon imaginaire.
Mon amour de la littérature et de l’Antiquité m’a naturellement orientée vers des études de lettres - parcours on ne peut plus classique : hypokhâgne, khâgne, Normale Sup, agrégation de lettres classiques, puis doctorat. Mes années de classe préparatoire ont beaucoup compté dans ma formation intellectuelle ; j’ai trouvé passionnant de pouvoir recevoir un enseignement poussé dans plusieurs disciplines, notamment en philosophie.
Quel a été le premier texte latin et grec que vous avez traduit/lu ? Quel souvenir en gardez-vous ?
J’ai découvert les grandes œuvres antiques enfant, sous forme abrégée. Ulysse et les héros de la guerre de Troie faisaient partie de mon panthéon personnel au même titre que Tintin, Gulliver, Goldorak et Albator.
Je n’ai commencé à lire les œuvres antiques dans leur intégralité qu’à l’adolescence. Les Métamorphoses d’Ovide et les tragiques grecs sont devenus mes livres de chevet, et le sont toujours. Mais je crois que l’œuvre qui me touche le plus reste l’Iliade, pour cette façon inégalée de mêler récit épique et drames intimes, et l’attention portée aux faibles.
Comment est-né le projet de l’encyclopédie Le monde antique de Harry Potter ?
C’est à la fois un projet qui vient de loin et qui est né totalement par hasard.
J’ai découvert Harry Potter en même temps que mes enfants, à qui j’ai lu les tomes de la saga au fur et à mesure de leur parution. Je suis devenue fan en même temps qu’eux, d’autant plus fan que cette œuvre passionnante était truffée de références à l’Antiquité, comme de petits clins d’œil adressés par J.K. Rowling aux « initiés ».
Cela aurait pu s’arrêter là, s’il n’y avait pas eu mes étudiants. Comme mes enfants, ils ont grandi avec Harry Potter. Il y a quelques années, certains m’ont demandé si je pouvais consacrer une ou deux séances de mon cours aux références à l’Antiquité dans la saga. J’ai tout de suite dit oui, en me disant que c’était une bonne occasion de leur faire lire quelques textes d’Homère, Virgile, Ovide, Tite-Live et Pline l’Ancien, d’évoquer une bonne partie du panthéon gréco-romain, une foule de monstres mythologiques, de héros, et de faire un peu d’étymologie. Depuis, je consacre chaque année une ou deux séances de mon cours à Harry Potter.
Il y a deux ans, j’ai voulu profiter de l’été pour compléter mon cours. J’ai relu la saga en essayant de répertorier toutes les allusions à l’Antiquité, pensant ne trouver à rédiger que quelques dizaines de pages supplémentaires. Mais je me suis vite rendu compte qu’il y avait bien plus à dire que je ne l’imaginais : dans la saga, les références à l’Antiquité sont à la fois nombreuses et organisées de manière cohérente pour entrer en résonnance avec le récit. Par exemple, Caput draconis, le mot de passe de la tour de Gryffondor dans le tome 1, annonce le dénouement de ce tome, où l’on découvre que le professeur Quirrell porte, à l’arrière du crâne, la tête de Voldemort qui ressemble à celle d’un serpent. Autre exemple : le portrait de Phineas Black, l’ancêtre de Sirius, se retrouve à un moment aveuglé par le sortilège d’Obscuro que lui a lancé Hermione, exactement comme Phinée, son homonyme antique, se retrouve aveuglé par les dieux. Plus j’avançais dans mon travail, plus je découvrais de nouveaux exemples. C’était comme un jeu de piste à la fois stimulant et gratifiant qui permettait d’explorer des pans très divers de la culture antique (mythologie, histoire, médecine) tout en plongeant au cœur de l’œuvre de J.K. Rowling. Je me suis prise au jeu, décidant d’aller aussi voir du côté des ouvrages écrits par Rowling en marge de la saga (Les Contes de Beedle le Barde, Les Animaux fantastiques : Vie et habitat, Le Quidditch à travers les âges) puis sur le site Pottermore dédié à Harry Potter.
Quelques mois plus tard, j’avais accumulé tellement de matière que j’ai décidé d’en faire un livre. J’ai donné à l’ensemble la forme d’une encyclopédie, pour que l’ouvrage soit à la fois pratique et ludique, qu’on puisse le consulter à sa guise, par petits bouts et dans n’importe quel ordre. Mais rien n’était prémédité : je pensais, au départ, écrire quelques pages pour compléter un cours, et c’est devenu une sorte enquête policière qui a débouché sur un livre.
Êtes-vous plutôt Hermione Granger ou Luna Lovegood ?
Je dirais que je suis à la fois Hermione Granger pour le côté amoureuse des études et des livres, Minerva McGonagall pour le côté « sévère mais juste » et chignon serré, et Luna Lovegood pour le côté rêveur et parfois foutraque. Il m’est arrivé de faire tout un trajet en métro face à un membre de ma famille sans le reconnaître. Et j’ai oublié d’aller passer l’épreuve de latin du bac, parce que j’avais mal lu ma convocation, ce qui fait sans doute de moi la seule agrégée de Lettres classiques de France à avoir eu zéro en latin au bac !
L’image de la sorcellerie véhiculée dans Harry Potter est-elle similaire à celle de la magie antique ?
Dans les textes antiques, la puissance magique est détenue par des personnages d’origine divine (Médée, Circé) ou des êtres humains qui invoquent les divinités (Hécate, les dieux infernaux). Pas de magie sans dieux : ce sont eux qui confèrent cet extraordinaire pouvoir aux humains connaissant les invocations adéquates et les pratiques à mettre en œuvre.
Chez J.K. Rowling, la magie ne procède pas de Dieu ou des dieux. Elle est un don inné qui a besoin d’être cultivé, organisé par un apprentissage : les sorciers doivent apprendre à connaître et maîtriser la puissance magique contenue dans la nature. Ils pratiquent la magie sans invoquer aucune puissance céleste ou infernale - la saga ne fait d’ailleurs aucune allusion à une quelconque entité divine. Contrairement aux Anciens, J.K. Rowling laisse donc les dieux « en dehors de tout ça ».
Malgré cette différence fondamentale, la saga ne se prive pas de faire référence à la magie antique : Circé fait partie des sorcières célèbres représentées sur les cartes de Chocogrenouille. La régénérescence de Voldemort dans le cimetière de Little Hangleton est inspirée du rajeunissement d’Éson par Médée. Au-delà, le pouvoir des sorciers de la saga est assimilable à celui des dieux de la mythologie : pouvoir de se métamorphoser, de lancer des éclairs, de voyager instantanément d’un lieu vers un autre, etc. Mais, à la différence des dieux mythologiques, les sorciers de J.K. Rowling sont des humains. La sagesse consiste pour eux à faire bon usage de leurs extraordinaires pouvoirs, sans jamais oublier l’humanité qu’ils ont en commun avec les Moldus.
Harry Potter était-il une porte d’entrée dans l’Antiquité ?
Harry Potter offre un merveilleux prétexte pour parler de latin, de grec, de culture antique en général. J.K. Rowling a étudié le latin et a déclaré avoir été marquée, dans sa jeunesse, par la lecture de l’Iliade. Elle a multiplié dans son œuvre les références à l’Antiquité : les sorciers utilisent le latin - ou une langue qui lui ressemble beaucoup - pour leurs mots de passe et leurs formules magiques ; un grand nombre de personnages portent des noms de dieux, de monstres ou de héros antiques (Minerva McGonagall, Pomona Chourave, Argus Rusard...) J.K. Rowling a aussi inventé des néologismes à partir de racines grecques et latines. Enfin, de nombreuses scènes de la saga font référence à des épisodes mythologiques célèbres. En étudiant ces références, j’ai été frappée par l’extraordinaire cohérence avec laquelle J.K Rowing les a organisées, l’usage à la fois discret et malicieux qu’elle faisait de cette érudition. Cela n’a fait que renforcer l’admiration que j’éprouvais déjà pour son œuvre ample, profonde, inventive et remarquablement construite.
J’ai eu envie de révéler cette « cuisine secrète », cette richesse cachée, perceptible seulement si on a les clefs pour la déchiffrer. C’est intéressant, par exemple, de montrer comment l’épisode de la descente d’Orphée aux Enfers a inspiré celui où Harry descend dans le souterrain où est cachée la Pierre philosophale après avoir endormi Touffu, le chien à trois tête, en lui jouant de la flûte, de comprendre en quoi le prénom de Regulus Black annonce son destin tragique, en quoi le mot de passe Fortuna Major peut-être mis en relation avec le dénouement du tome 3 de la saga.
Au total, Le monde antique de Harry Potter m’a permis de concilier mon amour de la saga et ma passion pour l’Antiquité, mon désir de rendre hommage au talent de J.K. Rowling et mon désir de familiariser les lecteurs avec certains aspects de la culture antique.
On n’a évidemment pas besoin de toutes ces références pour lire et aimer Harry Potter. Mais il me semble que les connaître ne peut que renforcer l’admiration du lecteur pour cette œuvre et son auteur.
D’une école à l’autre : est-ce que votre livre a une portée pédagogique ?
C’est la saga elle-même qui a une portée pédagogique. C’est un roman d’apprentissage qui pose des questions fondamentales : dans l’existence, qu’est-ce qui relève du déterminisme et qu’est-ce qui relève de nos propres choix ? Que valent la connaissance et le pouvoir s’ils ne sont pas fondés sur une éthique ? En quoi l’éducation peut-elle influer sur le développement de la personnalité ? Surtout, la saga offre au thème de la résilience une place centrale : pas besoin d’avoir un physique parfait, pas besoin d’être dans la norme pour devenir un vrai héros. Harry est myope et petit pour son âge. Neville Londubat est, au départ, empoté et peu doué pour la magie. Luna Lovegood est excentrique et marginale. Mais par l’éducation, l’entraînement, la justesse de leurs choix et la force de leur volonté, tous deviennent de vrais héros.
La saga possède aussi une dimension pédagogique en ce qu’elle ouvre sur un monde à la fois enchanteur et très noir. Il y a beaucoup de fantaisie et d’humour dans Harry Potter, mais la mort et les monstres y sont omniprésents. Lire Harry Potter à des enfants permet d’aborder avec eux des thèmes aussi difficiles et complexes que la perte d’un être cher, la guerre, les génocides, le racisme, sans laisser durablement prise à l’angoisse, parce que tout cela est intégré à une histoire lumineuse au-delà de sa noirceur, une histoire portée par des héros positifs auxquels les enfants peuvent aisément s’identifier.
Est-ce que l’école des sorciers peut servir de modèle à l’école de la République ?
Poudlard est un lieu « patrimonial », un château séculaire empli d’œuvres d’art (tableaux, armures, statues) où les élèves vivent en internat et portent un uniforme. Ils y reçoivent un enseignement d’excellente qualité, disposent d’une immense bibliothèque, participent à des compétitions sportives, sont affiliés à différentes « maisons ». Tout cela correspond au modèle éducatif élitiste et coûteux proposé par certains établissements privés britanniques ou américains.
Mais, contrairement à ces établissements, Poudlard est une école publique et gratuite, fréquentée à la fois par les enfants des familles modestes, comme les Weasley, et par les enfants des familles les plus fortunées, comme Drago Malefoy. C’est aussi une école laïque (ni religion ni clergé dans le monde des sorciers - en tout cas, cela n’est jamais évoqué) et obligatoire (tous les jeunes sorciers de Grande Bretagne reçoivent leur lettre d’admission à Poudlard à l’âge de onze ans). Il y a donc dans Poudlard un peu de l’école de Jules Ferry. La communauté des sorciers attache suffisamment d’importance à l’éducation pour financer des études coûteuses et de grande qualité à l’ensemble des enfants sorciers, réunis dans un même cadre, toutes classes sociales confondues. En cela, Poudlard pourrait effectivement servir de modèle au système éducatif français, qui a tendance à entériner - voire organiser - une forme de ségrégation sociale.
Quelle a été votre plus belle réussite d’enseignante ? Votre meilleur souvenir ?
Ma plus belle réussite d’enseignante, c’est quand les étudiants viennent me voir ou m’écrivent à la fin de l’année pour me remercier, ou lorsqu’un collègue me dit : « Ah, je suis content, l’autre jour je leur ai parlé de l’étymologie du mot utopie/de la théorie de la génération spontanée/de la théorie des humeurs/de l’âge d’or, et ils m’ont dit qu’ils connaissaient déjà, qu’ils l’avaient étudié avec toi. »
À quoi ressemble votre bibliothèque ?
Ma bibliothèque est assez grande et... très mal rangée. Tout est mélangé, romans classiques, policiers, essais, bandes dessinées, livres d’art... Il serait sans doute plus pratique de mettre un peu d’ordre dans tout ça, mais lorsque les Essais de Montaigne se retrouvent entre San Antonio et Ionesco, je me dis que ce bazar permet de joyeuses rencontres.
Quelle est la part de l’Antiquité ?
La section Antiquité, occupe un bon quart de ma bibliothèque, et c’est le seul coin à peu près rangé, parce qu’il y a là mes outils de travail. La plupart des grandes œuvres littéraires de l’Antiquité, bien sûr, mais aussi des essais, des biographies, des manuels, des dictionnaires. Une bonne quantité de Budé, notamment les œuvres complètes de Pline l’Ancien, une vraie mine, dans laquelle J.K. Rowling a d’ailleurs pas mal puisé.
La génération Harry Potter est aujourd’hui adulte, comme votre fille Valentine, a qui vous avez confié les illustrations. Donnons lui la parole : Valentine, comment avez-vous rencontré Harry Potter ?
Ma mère a acheté Harry Potter à l’école des sorciers, quand j’étais toute petite, pour nous en lire chaque soir quelques chapitres, à mon frère et moi. C’était un moment très important pour nous, comme un rituel. Nous allumions une bougie dans un photophore qui représentait une sorcière volant sur un balai avant de commencer la lecture, et nous l’éteignions quand arrivait l’heure fatidique du coucher. Cette lecture nous a tellement plu que ma mère a continué de nous lire les volumes suivants. Elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait (et nous avec) ! Je me rappelle de ses yeux ronds face au très volumineux tome quatre qu’elle venait d’acheter. Au final, elle nous a lu six tomes sur sept. Le dernier, mon frère et moi l’avons dévoré chacun de notre côté, trop impatients de connaître la fin.
Quel influence cette lecture a t-elle eu ?
Harry Potter a accompagné mes questionnements d’enfant et d’adolescente. Le monde de la saga est à la fois merveilleux et dangereux. Il parle de cruauté, de tromperie, de discrimination sociale et raciale. Il questionne sur la vraie nature de l’amitié et du courage.
Comme beaucoup de gens de ma génération, le méchant qui m’a le plus marquée n’est pas Voldemort, mais Dolores Ombrage. Elle n’est pas Mangemort, ne tue personne : elle représente la cruauté « banale », celle qu’on peut croiser au quotidien et qui s’exerce en toute bonne conscience, car elle ne fait que « suivre la procédure ». Ce personnage a été à lui seul un petit cours d’éducation politique pour moi.
Beaucoup de mes amis sont aussi des Potterheads. Dans nos conversations, les allusions à la saga sont permanentes, et certaines répliques sont presque devenues des proverbes : « Ne te laisse pas abattre par les Moldus » ou « Maintenant, je vais me coucher... Avant que l’un de vous ait encore une brillante idée pour nous faire tuer... Ou pire, nous faire expulser ! »
Enfin, Harry Potter fait partie de ces œuvres qui m’ont tellement marquée étant enfant que j’aimerais aujourd’hui écrire pour la jeunesse, qu’il s’agisse d’albums illustrés ou de romans.
Quelles sources avez-vous utilisées pour vos dessins ?
Pour les illustrations, j’avais la contrainte de ne rien dessiner qui soit une référence directe à la saga, pour une question de droits ; j’ai donc abondamment puisé dans l’imagerie antique et ses réinterprétations dans l’art occidental. J’ai imaginé des lettrines enluminées inspirées des manuscrits du Moyen-Âge ou des gravures de la Renaissance, pour évoquer un grimoire magique. J’admire beaucoup le travail de Dürer, Cranach, Baldung Grien...
J’ai conçu mes lettrines comme un jeu de piste, où le lecteur peut trouver des allusions à différentes entrées de l’encyclopédie. Je me suis amusée à y glisser des œuvres classiques... légèrement transformées : la statue du Laocoon devient un centaure cyclopéen, le pèlerin de la gravure de Flammarion passe la tête hors du cadre... On croise, au hasard des pages, la Vénus de Botticelli, la Léda de Léonard de Vinci ou le porcelet avec un couteau planté dans le lard du Pays de Cocagne de Brueghel l’Ancien...
J’ai aussi mis ma famille à contribution : mon père a dû (entre autres) poser en maillot de bain, brandissant une bouteille d’eau, pour que je le transforme en valeureux Hercule armé d’une massue. Et quand il n’y a personne de bonne volonté pour poser, je deviens mon propre modèle, et me métamorphose en Méduse décapitée ou en Cacus cracheur de feu.
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Pour finir une question commune : s’il fallait retenir une entrée de votre encyclopédie ce serait laquelle ?
Valentine : J’ai envie de tricher et de sélectionner l’ensemble des entrées concernant la famille Black. Les Black sont une famille de « sang pur » et fiers de l’être. Quasiment tous ses membres sont nommés d’après une étoile ou une constellation. Mais ce choix ne révèle pas uniquement leur orgueil. Les origines mythiques des constellations permettent également de deviner les liens de parenté et certaines caractéristiques des personnages. Par exemple, Sirius Black tient son nom de l’étoile la plus brillante de la constellation du Grand Chien, qui représente l’un des chiens de la meute du chasseur Orion. Or, non seulement Sirius est un Animagus qui peut se transformer en chien, mais son père est... Orion Black.
Blandine : De mon côté, je retiendrai l’article consacré à Severus Rogue, mon personnage préféré de la saga, dont le prénom signifie « sévère » en latin, mais renvoie aussi, par son étymologie, au sens de « qui n’est pas vrai », « qui n’est pas sincère », à la fois parce Rogue est celui que l’on soupçonne en permanence d’être un traître, et parce qu’on découvre, à la toute fin, que Rogue a jusqu’au bout caché son jeu : alors qu’on le croyait froid, insensible et suppôt de Voldemort, on découvre un être courageux qui a œuvré pour la chute du Mage noir, un homme qui ne s’est jamais remis de la mort de celle qu’il aimait, Lily, la mère de Harry.