Les amis de Guillaume Budé - La magie naturelle de Jacques Lefèvre d’Étaples

Texte :

Cette chronique  raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ». 

Je vous avais promis, chers amis des Classiques, une chronique sur la Grammatographia de Jacques Lefèvre d’Étaples, un ouvrage pédagogique écrit pour ses élèves princiers. Si je reporte cette chronique c’est qu’un événement d’importance le demande ! Pour la première fois, le premier livre du De Magia naturali (La Magie naturelle) de Lefèvre d’Étaples vient d’être publié en français ! Jean-Marc Mandosio a traduit et édité L’influence des astres : cet ouvrage bilingue français-latin est le premier titre d’une nouvelle collection des Belles Lettres, « Bibliothèque secrète ». Une chronique pour célébrer cet événement éditorial et présenter le De Magia naturali s’imposait donc…

 

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Portrait de Jean Pic de la Mirandole (Galleria degli Uffizi, Firenze). Source : Wikipedia.

Dans les années 1490, à son retour d’un voyage en Italie, Lefèvre d’Étaples commence à travailler au manuscrit de La Magie naturelle. Or ces années-là ne sont pas vraiment propices à un tel projet, puisque la magie, comme l’astrologie, sont interdites en France. En Italie, au cours de l’hiver 1491-1492, Jacques Lefèvre a rencontré Jean Pic de la Mirandole et Marsile Ficin, deux humanistes versés dans ces questions de magie, et s’inspire de leurs idées dans son propre livre. Lefèvre d’Étaples s’appuie également sur les auteurs antiques dans son traité.

 

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Portrait de Marsile Ficin. Source : BIU Santé.

« Quels sont les mages que l’on dit “naturels” ? » C’est par cette question que s’ouvre le premier livre de Lefèvre d’Étaples. Réponse : « Chez les Chaldéens, les mages correspondaient à peu près à ceux que les Grecs appelaient philosophes. Ce qui les distingue semble être que les philosophes s’adonnent à la contemplation et à la spéculation plus qu’ils ne se consacrent à mettre à l’épreuve les effets secrets de la philosophie ; les mages, en revanche, essaient les merveilles de la nature, de telle sorte que l’ancienne magie des Chaldéens semble bien n’avoir rien été d’autre qu’une certaine discipline pratique accomplissant la philosophie naturelle par des opérations. »

 

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« Apud Chaldeos »… « Chez les Chaldéens »… La première page du manuscrit du De Magia naturali de la BnF. Source : Gallica.

En réalité, Lefèvre d’Étaples n’associe pas magie et philosophie, mais magie et physique. C’est cette discipline qu’il faut entendre par « philosophie naturelle ». Jacques Lefèvre ajoute : « la magie concerne essentiellement ce qui nous conduit vers les productions occultes de la Nature. […] Par conséquent, les mages furent autrefois soit des astronomes, soit des médecins, soit des transmutateurs, soit encore tout cela à la fois. » Les « transmutateurs » étant des alchimistes.

Jean-Marc Mandosio explique que « le mage est donc à la fois un théoricien et un praticien : ayant appris à connaître les causes des phénomènes occultes, il se les approprie afin d’intervenir dans le monde sublunaire » (« Le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples », in Les Muses secrètes. Kabbale, alchimie et littérature à la Renaissance. Hommage à François Secret. Actes réunis et édités par Rosanna Gorris Camos, Genève, Droz, Cahiers d’Humanisme et Renaissance vol. 115, 2013, p. 41).

L’influence des astres : comme le titre du premier des six livres du De Magia naturali le laisse à supposer, « la magie naturelle de Lefèvre d’Étaples est […] avant tout une magie astrale » (Ibid., p. 43).

Amis des classiques, vous avez désormais deux options : attendre la prochaine chronique pour en savoir plus sur le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples ou découvrir dès maintenant l’ouvrage en librairie. Les deux ne sont pas incompatibles ! « Pour profiter à tous, de quelque condition que soient. »

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