Un jour, un mythe - Le Paradis terrestre

Texte :

Chaque jour, un nouveau mythe à dévorer dans votre calendrier de l'avent mythologique ! Retrouvez-les tous dans la Bibliothèque mythologique idéale ! Par Laure de Chantal

Voilà un exemple parfait, et fort clair, d’interprétation allégorique du texte biblique, selon Simon le mage. Son originalité et sa puissance n’appellent aucun commentaire. Contentons-nous de citer le poète : « J’ai longtemps habité sous de vastes portiques […] C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs… »
Comment donc et de quelle manière, dit Simon, Dieu façonne-t-il l’homme dans le paradis ? Voici son opinion. Que la matrice, dit-il, soit le paradis ! Que ce soit la vérité. l’Écriture nous l’enseigne quand elle dit : « C’est moi qui te forme dans la matrice de ta mère » (cf. Isaïe, XLIV, 2, 24). Car il prétend que cela également a été écrit ainsi. Moïse, dit Simon, a donné allégoriquement à la matrice le nom de paradis, s’il faut ajouter foi à la parole. Si Dieu forme l’homme dans la matrice de sa mère, c’est-à-dire dans le paradis, comme je l’ai dit, alors, que la matrice soit le paradis et l’arrière-faix Éden. « Un fleuve sortant d’Éden arrose le paradis » (Genèse II, 10). Ce fleuve est le nombril. Celui-ci, dit-il, se divise en quatre branches. Car, des deux côtés du nombril, sont placées deux artères, qui servent de conduits pour le souffle, et deux veines, qui servent de canaux pour le sang. Lorsque, dit-il, le nombril, sortant d’Éden, c’est-à-dire de l’arrièrefaix, se fixe au fœtus dans la région de l’épigastre, vulgairement appelé nombril, ces deux veines, par lesquelles le sang coule et est porté d’Éden, c’est-à-dire de l’arrièrefaix, à ce qu’on appelle les portes du foie, nourrissent le fœtus ; et les artères, qui sont, comme nous l’avons dit, les conduits de l’air, passant de chaque côté de la vessie dans la région de l’os large et plat, viennent aboutir l’une et l’autre à la grande artère qui suit l’épine dorsale et qu’on appelle l’aorte, et ainsi l’air, après avoir cheminé par les petites portes, arrive au cœur et donne le mouvement au fœtus. Car l’enfant, pendant qu’il est en formation dans le paradis, ni ne prend de nourriture par la bouche, ni ne respire par les narines ; car, plongé comme il est dans des liquides, il mourrait immédiatement s’il respirait ; il aspirerait en effet des liquides qui le feraient périr. Mais il est tout entier enveloppé dans la membrane qu’on appelle l’amnios ; il est nourri par le moyen du nombril et, comme je l’ai dit, il reçoit, par l’aorte qui longe l’épine dorsale, l’élément du souffle.
Donc, dit Simon, le fleuve qui sort d’Éden se divise en quatre branches, en quatre canaux, qui sont les quatre sens du fœtus, la vue, l’odorat, le goût et le toucher ; car ce sont les seuls sens que possède le petit enfant pendant qu’il est en formation dans le paradis. Telle est, dit-il, la Loi que Moïse a établie, et c’est en conformité avec cette Loi elle-même que chacun des livres a été écrit, comme on le voit par leurs titres. Le premier livre est la Genèse ; ce titre suffirait pour donner la connaissance du Tout ; car, dit Simon, la Genèse, ici, est la vue, l’une des branches en lesquelles le fleuve est divisé ; c’est en effet par la vue que le monde est contemplé. Le deuxième livre est intitulé l’Exode. Car il fallait que l’être engendré, après avoir traversé la mer Rouge, arrivât dans le désert (ce que Moïse appelle la mer Rouge, d’après les Simoniens, c’est le sang), et qu’il goûtât de l’eau amère. Elle est amère en effet, dit Simon, l’eau qu’on trouve après la mer Rouge : car elle est la voie qui mène à la connaissance des choses de la vie, voie qui passe à travers les difficultés et les amertumes. Mais, changée par Moise, c’est-à-dire par le Verbe, cette eau amère devient douce.
Philosophumena, livre VI, 14-15, p. 22

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