Un jour, un mythe - LES MYSTÈRES DE BACCHUS

Texte :

Chaque jour, un nouveau mythe à dévorer dans votre calendrier de l'avent mythologique ! Par Laure de Chantal

Liber était fils de Jupiter (c’est-à-dire d’un roi de Crète). Mis au monde par une mère adultère, il était élevé chez son père avec plus d’amour qu’il ne convenait. La femme de Jupiter (qui s’appelait Junon), exacerbée par son animosité de marâtre, machinait par tous les moyens le meurtre de l’enfant. 2. Le père part en voyage. Il connaissait les rages secrètes de sa femme. Pour faire échec aux fourberies éventuelles d’une épouse irritée, il confia la surveillance de son fils à des gardiens qui lui paraissaient sûrs. Alors Junon saisit l’occasion favorable à ses manigances. Elle était d’autant plus violemment échauffée qu’en partant le père avait remis à l’enfant son trône et son sceptre. Elle commença par soudoyer les gardiens par des faveurs et des présents royaux. Puis elle poste ses propres gardes du corps (qu’on appelait Titans) dans les parties plus retirées du palais royal. Avec des hochets et un miroir ouvré avec art, elle enjôla si bien le cœur de l’enfant qu’abandonnant la résidence royale, il se laissa entraîner par son caprice enfantin jusqu’au lieu du guet-apens. 3. Là, on s’empare de lui, on le tue. Afin qu’aucune trace du meurtre ne puisse être retrouvée, la bande des gardes déchiquette les membres de l’enfant et s’en partage les débris. Alors, pour accumuler crime sur crime, et parce qu’on redoutait terriblement la cruauté du maître, ils cuisent de différentes façons les membres de l’enfant et les dévorent, se gavant d’un cadavre, chère inconnue jusqu’à ce jour ! Sa sœur (qui avait nom Minerve) conserve le cœur qui lui était échu en partage car elle avait, elle aussi, participé au crime, d’avoir, outre une preuve manifeste à l’appui de sa dénonciation, le moyen de modérer les éclats de la fureur paternelle. Jupiter n’est pas plus tôt de retour que sa fille lui rapporte de point en point la nouvelle de l’attentat. 4. Alors le père, bouleversé par le malheur de ce meurtre affreux et par le deuil atroce d’une mort prématurée, fait périr les Titans par différents supplices. Pour venger son fils, il n’omit aucune espèce de torture et de châtiment : tout au contraire ! Avec une rage de bacchant, il mit en œuvre tous les genres de sévices et vengea l’assassinat de son fils (quelle que fût la naissance de celui-ci) avec l’amour d’un père sans doute, mais aussi l’arbitraire d’un despote. Alors, comme ce père ne pouvait endurer plus longtemps les supplices d’un cœur en deuil et qu’aucune consolation n’apaisait la douleur d’avoir perdu cet enfant, il fit modeler sa statue en plâtre et le sculpteur plaça le cœur du bambin (ce cœur qui avait permis, grâce aux révélations de la sœur, la découverte du crime) à l’endroit même où les contours de la poitrine avaient été façonnés. Après quoi, en guise de tombeau, Jupiter lui éleva un temple, et le précepteur de l’enfant en devint le prêtre. 5. Il avait nom Silène. Les Crétois, pour apaiser l’implacable fureur de leur despote, fixent des jours de fête en souvenir du meurtre et organisent un culte annuel marqué tous les deux ans par une consécration. Ils rééditent point  ar point tout ce que l’enfant a fait ou souffert en mourant. Ils déchirent à belles dents un taureau vivant, en ranimant par des commémorations annuelles leur goût des festins sauvages, et hurlant des clameurs dissonantes au cœur mystérieux des forêts, ils feignent la démence d’esprits en fureur : il fallait bien faire accroire que ce crime n’était pas imputable à la perfidie, mais à la démence ! On porte solennellement la ciste où la sœur avait secrètement dissimulé le cœur de l’enfant. Le chant des flûtes et le tintement des cymbales évoquent fictivement le souvenir des jouets qui avaient trompé l’enfant. Ainsi, pour faire honneur à son tyran, une servile populace fait un dieu de celui qui ne put avoir de sépulture.

Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, chap. VI
 

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