De quelle façon le monde virtuel interprète-t-il les connaissances que nous avons de l’Antiquité ? Comment, au travers des « gameplay »[1] et des scénarios de fiction vidéo-ludique, le joueur s’imprègne-t-il des sociétés antiques au cœur desquelles l’action du jeu-vidéo le situe ? Souvent entre réalité historique et imaginaire fantasmé, Nicolas Ben Mustapha, étudiant-chercheur diplômé en histoire ancienne, nous invite à nous plonger dans ces mondes reconstitués.
« Les cohortes des Germains qui, nus à la mode de leur pays, s’avançaient au hasard, aux accents d’un hymne sauvage et en agitant leurs boucliers au-dessus de leurs épaules. » (Tac., Hist., II, XXII, 2)
https://www.sega.fr/ Lances et boucliers forment ici l’essentiel de l’armement du Germain (bien que les massues, glaives et arcs soient présents chez nombre d’unités guerrières, plus par souci de jouabilité (chaque faction doit être polyvalente pour se mesurer aux autres) que d’historicité. |
Si jusqu’ici les développeurs ont le souci, tout relatif, du respect d’une certaine historicité quant aux représentations des peuplades germaniques, quid de leur équipement militaire ? De l’infanterie de mêlée à l’infanterie lance-projectile en passant par la cavalerie, si l’équipement se diversifie quelque peu, notons qu’il reste - justement - assez sommaire et que les éléments principaux de l’artisanat guerrier du Germain sont toujours prépondérants. Framée (lance traditionnelle), glaive et bouclier forme l’essentiel de l’armement du Germain. En effet, de tailles et de formes variables, le bouclier est une arme essentielle chez les Germains. Le jeune germain recevait celui-ci lors d’une cérémonie qui marquait le passage de l’enfance à l’âge adulte. Sa perte lors d’un combat était vécue comme un déshonneur. Nous identifions une fois encore la simplicité et l’archaïsme de celui-ci, qui chez Tacite fait l’objet de quelques analyses :
« Le fer lui-même n’abonde pas, comme on le conclut de la nature de leurs armes. Quelques uns seulement emploient le glaive ou la grande lance. Aucune recherche dans leur équipement… » (Tac., Germ., VI, 1-3)
L’équipement militaire était en fait moins sommaire que ne l’indique les sources latines et les jeux-vidéo. Le guerrier germanique était bien sur équipé de la framée (pique traditionnelle), suffisamment légère pour être tenue d’une seule main. Les fantassins germaniques portaient aussi des courtes javelines dont la « lame » était en cuivre, en bronze, en pierre ou en fer et des pointes durcies au feu. Contrairement aux dires de Tacite, l’archéologie atteste de la récurrence des épées et glaives dans l’armement germanique du Ier siècle. Des épées courtes proches de celles des Romains mais qui néanmoins devait être réservée aux milieux aristocratiques en Germanie.
« Peu ont des cuirasses, à peine l’un ou l’autre a-t-il un casque ou des bonnets de cuir... » (Tac., Germ., VI, 1-3) :
Autre récurrence des jeux-vidéo ici évoquée par Tacite : l’absence de cuirasses, d’armures ou de protections efficaces lors des combats. On retrouve une fois encore le thème de la nudité et de la pauvreté vestimentaire qui caractérise le barbare. Si Tacite ne fait état que de quelques mentions de glaives et de lance, ce à quoi se cantonne à peu de choses près les développeurs de jeux-vidéos, la recherche archéologique a permis d’élargir les savoirs. Aussi, selon ceux-ci, il n’y aurait aucune spécificité régionale dans l’armement, alors que l’archéologie atteste le contraire. On sait à titre d’exemple que les relations romano-germaniques jouèrent sur le développement de l’armement des Germains.
Nicolas Ben Mustapha.
Vidéothèque
Stratégie en temps réel
Age of Empires: The Rise of Rome: Microsoft, 1998, jeu en multi-joueurs.
Rome: Total War: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.
Rome: Total War - Barbarian Invasion: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.
Total War: Rome II: Sega, 2011, jeu en multi-joueurs.