Bienvenue au Parc ! Chaque semaine, un ou deux hypokhâgneux, du groupe de latin débutant, vous livrent leurs impressions, et rien que leurs impressions, sur l’apprentissage du latin : élève déjà initié ou totalement novice, chacun souhaite les partager, avec son lot d’imprécision et de fulgurance. Les Romains levaient le pouce (d’ailleurs, nous ne savons pas !), certains jettent des tomates au jury, nous, au lycée du Parc, quand nous aimons, nous faisons « pschittttt » !
Comment sourire face à un ciel qui n’est pas bleu, à cette lourde chape de grisaille, d’un mois de janvier qui se ternit et s’éternise, au fil de journées interminables, d’espoirs envolés, d’une réalité douloureuse. Je traîne des pieds, les emmêle dans des branches aux sols, remplis au passage mes chaussures de l’eau d’une flaque ; j’erre, les yeux brouillés par le voile de l’indifférence.
Je pousse la porte, entre dans la salle. Je peine à contenir la joie qui vient de m’assaillir. Du latin. Un voyage temporel de quatre heures par semaine entre ces murs anachroniques. Tous rejoignent leur place habituelle, prêts à faire chauffer de la déclinaison. Mais hélas, - eheu devrais-je dire- nous sommes bientôt confrontés à cette nuée qui étouffe le jeune hypokhâgneux encore crédule. Ah les démonstratifs ! Ah les possessifs ! Jamais la terre n’a pu porter pareille ignominie grammaticale. Chacun se regarde avec terreur. La tête dans les mains, je reste devant cette feuille couverte de taches noires indéchiffrables.
O Cicéron, ô Tite Live, ô tous ceux dont j’ai déjà oublié le nom, aidez-moi dans cette recherche de l’inconnu, cette quête de l’impossible (ou écrivez des textes moins durs je sais pas moi), avant que je me noie dans un tsunami d’ipse, d’ille et d’eorum.
Et soudain, comme si Cicéron m’avait donné une énième leçon de morale, la phrase se démêle, s’éclaire, se révèle au rythme du papier crayonné, des rires, du bruissement des pages du Gaffiot, grand métronome d’une Antiquité disparue.
Les minutes défilent comme des secondes, les mythes s’écrivent sous nos yeux et notre satisfaction grandit à chaque ligne. Mais la sonnerie retentit, nous condamne à une autre salle, à une autre chaise pour encore des heures et des heures. On range les affaires, la pièce se vide. Le silence.
Sur le retour, je repense à cette littérature antique sans qui tout le Bob Dylan, que j’écoute sans relâche et qui guide mes pas, n’existerait pas. Alors je suis fière de les connaître, de savoir (un peu) les comprendre. Alors merci le latin.
Emma H811
Nous vous disons « pchitt » et à la semaine prochaine !