Wifek Aouinet Wifek
Première année de thèse en Sciences de l’Antiquité
Unité de recherche : CARRA - Centre d’analyse des rhétoriques religieuses de l’Antiquité / EA 3094
Face à cette tragédie ? seul l’Art peut s’imposer. En d’autres termes, et en reprenant les mots des Anciens : « Ars longa, vita brevis ». En tant que latiniste tunisienne j’ai donc décidé de dédier un petit poème, en vers libres, aux plus illustres joyaux du musée du Bardo...
« […] Et c’est d’abord à Ulysse que je m’adresse
À lui j’adresserai mes excuses sans cesse,
Ulysse, qui jadis de son pays lointain se posa sur nos rivages,
Avec ses compagnons explora notre île des Lotophages.
Ulysse, je te demande pardon,
Car, de l’épopée d’un sage, les flots du destin moqueur aux canards déchaînés te livrèrent.
Mais dis-moi que faire ?
Ta malédiction t’a poursuivi à Carthage
T’a embarqué là où la bêtise fait rage...
Ô triste pays des Lotophages,
Ô malheureuse Hadrumète
Qui jadis fut célèbre par le plus illustre des aèdes,
Alter Homerus, grand Virgile,
Vois-tu ? Notre histoire ne tient plus qu’à un fil.
Seras-tu celui qui racontera notre descente aux Enfers
À Didon, à Hannibal rapporteras-tu notre misère ?
Mais Virgile ne répondit guère
Et demeura dans un silence de pierre...
[…]
Ô Vénus, pudique Vénus ! Je t’en conjure,
Et c’est en ton nom que je jure,
Sème l’Amour dans ces coeurs meurtris,
Ramène ces fous furieux à la vie,
Comble-les de tes flèches d’Amour,
Aimons nous pour toujours !
Mais, hélas, Vénus d’un malicieux sourire me répondit :
« Tu oublies ? À Carthage je serai toujours la plus grande ennemie... »
Ainsi le spectre du désespoir me hante
Je tente de le chasser tandis qu’Elpis se lamente
À la vue d’un Bacchus ensanglanté à nouveau
Par les mains de malheureux sots !
Mais je sais que de la cuisse d’un Jupiter il renaîtra
L’Art, l’Histoire, l’Amour et la Vie il célébrera.
Bacchus se tourna vers moi pour dire
« Cronos saura très bien te secourir ! »
[…]
Ô Cronos je viens me plaindre de ceux qui affrontent tes lois.
Ils souillent l’Histoire sans loi ni foi !
N’as-tu pas fait de Carthage une cité immortelle ?
N’est-elle pas aussi une ville éternelle ?
Et d’une voix orageuse me répondit en ces répliques :
« La nation d’Hannibal demeurera à jamais stoïque
Elle célébrera à jamais ses plus belles mosaïques !
N’ayez crainte ! À la paix vous trouverez chemin
Ou vous en créerez un ! » ...
Othmen Abir
Master 1 en langue, littérature, civilisation françaises et histoire de l’art
Faculté des Sciences Humaines de Tunis
Ce fut un temps où on nous disait :
« C’est beau de vivre chez vous en Tunisie ! »
Que s’est-il passé ?
Qu’est ce qui a changé ?
Eh bien !
Ce merveilleux pays au ciel d’été,
Où on respire l’odeur de nos aïeux…
Où on entend chanter le Malouf et la musique classique sacrée…
Où on s’allonge sur la plage d’une mer bleutée…
Ce pays… est aujourd’hui guillotiné.
Un coup de tonnerre !!!
Et l’ira fut mortelle !!!
Le barbarisme vient s’installer…
Notre chère Tunisie fut violée…
Comblée…
À mi-jour
Vingt quatre morts !!!
Plus de quarante blessés…
Dix huit cris …
Trois pas…
Quinze coups de fusil…
Au cœur du M.N.B
Second grand musée du continent africain.
Racha Fridhi
2ème année de licence de littérature et civilisation françaises
Faculté de sciences humaines et sociales de Tunis
Les instants meurtriers…
Les rayons du soleil, encore timides, engloutissent les murs blancs du musée du Bardo dans une tiédeur feutrée et encore lasse... Le printemps a commencé à envahir les arbres qui enlaçaient les immeubles tapis dans l’insouciance et la quiétude… Dans le ciel bleu, les cris stridents des sternes étaient comme des notes de musique qui égayaient cette journée printanière... Non loin du musée, un bus venait de s’arrêter... c’était un bus touristique et il y avait un groupe de touristes qui visitait le pays encore stigmatisé par des années de déstabilisation… Les employés du musée les accueillaient en affichant un large sourire de bienvenue et les faisaient entrer dans la grande salle avant de commencer ce voyage dans les entrailles du temps… Les murmures se mêlaient aux cris des sternes et aux bruits de la rue pour s’incruster dans un très beau tableau que le soleil enveloppait amoureusement. Soudain, un bruit rauque traversa la salle. Puis un deuxième… La panique s’empara des employés et des touristes... C’était le bruit des balles qui heurtaient les murs et qui transperçaient les visiteurs fuyant dans tous les sens... C’était triste, très triste, de voir tous ces corps hissés sur des civières de fortune... Notre pays ne connaît pas la haine… Nous avons toujours vécu tous en harmonie... Le terrorisme est étranger à notre vie et à notre culture... Notre pays a toujours été et il sera toujours le pays de toutes les religions et de toutes les races… et personne n’a senti un jour une menace peser sur lui ... C’est cela ma Tunisie... le pays de la tolérance et de l’amour ... Mon pays n’a jamais été un pays où règne la mort... il a toujours été la tente sous laquelle ont vécu plusieurs civilisations... un pays qui a connu toutes les langues de la terre... On y trouve encore sur les sites archéologiques les inscriptions phéniciennes, puniques et latines... Je suis fière d’être la fille de la Tunisie... la fille de Didon… la fille de Dihya... d’être tunisienne…